Le temps presse pour résoudre la situation urgente des réfugiés en Europe

Articles d'actualité, 18 septembre 2015

© HCR/I.Pavicevic
Des personnes se reposent à la gare de Tovarnik en Croatie en attendant de prendre un train pour rejoindre un camp de réfugiés près de Zagreb.

GENÈVE, 18 septembre (HCR) Après le chaos d'hier à la frontière serbe avec la Croatie, qui a fermé certains points d'entrée, le HCR a émis un sérieux avertissement quant à l'urgence pour l'Europe de résoudre la crise actuelle des réfugiés.

Le HCR tient l'absence persistante de réponse cohérente et unie à la situation des réfugiés en Europe pour principale cause du chaos et de la confusion observés hier et aujourd'hui à la frontière serbe avec la Croatie ainsi que des scènes de violence qui se sont déroulées mercredi à la frontière hongroise.

« Avec plus de 442 440 réfugiés et migrants arrivés depuis le début de l'année par la mer Méditerranée, quelque 2 921 morts, et 4 000 personnes arrivant chaque jour dans les îles grecques, la crise s'aggrave et est renvoyée d'un pays à l'autre sans solution », a déclaré le porte-parole du HCR, Adrian Edwards, lors d'un point de presse à Genève.

Il a ajouté que les souffrances et les risques pour des milliers de réfugiés et de migrants augmentent alors que l'incertitude et le manque d'information alimentent le désespoir, rendent plus probables d'autres incidents, et suscitent l'hostilité à l'égard des personnes qui ont fui les persécutions et la guerre et ont besoin d'aide.

« Cet environnement est un terrain fertile pour les passeurs et les autres personnes qui cherchent à exploiter cette population vulnérable », a-t-il déclaré.

Adrian Edwards a souligné que, dans ce contexte, le HCR estime que la décision prise jeudi par le Parlement européen de soutenir les programmes de réinstallation pour 120 000 personnes supplémentaires dans tous les pays de l'Union européenne mérite d'être applaudie.

Il a affirmé qu'une session extraordinaire du Conseil « Justice et Affaires intérieures » prévue pour le 22 septembre et la réunion du Conseil européen qui aura lieu le lendemain (le 23 septembre) seront d'une importance cruciale pour parvenir à un accord. « Cela peut être la dernière occasion pour une réponse européenne positive, unie et cohérente face à cette crise. Le temps est compté », a déclaré Adrian Edwards.

Le HCR reconnaît que l'Europe a du mal à faire face à cette situation et félicite les pays et leurs citoyens qui ont manifesté la volonté de réinstaller les réfugiés et de répondre positivement à une situation qui, bien que difficile, est gérable, à condition que l'Europe soit unie pour arriver à une réponse efficace.

Le HCR lui-même a proposé cette semaine un certain nombre de mesures qui s'inscrivent dans l'objectif plus large d'aider l'Europe à résoudre en commun cette crise :

- La création immédiate d'installations en Grèce pour accueillir, assister, enregistrer et contrôler les arrivants ;

- Le démarrage immédiat, à partir de la Grèce et des centres existants en Italie, d'un processus de réinstallation de 40 000 réfugiés autorisés par le Conseil européen dans les autres pays participants de l'Union européenne. Le programme devrait être élargi grâce aux promesses volontaires supplémentaires faites par les États de l'Union européenne dans le cadre des nouvelles propositions de la Commission européenne ;

- Un programme d'urgence de l'Union européenne pour la Serbie afin qu'elle puisse établir une structure d'accueil semblable lui permettant d'assister, d'enregistrer et de transférer convenablement les personnes vers d'autres pays européens ;

- En parallèle, le HCR demande instamment une augmentation substantielle des possibilités pour les réfugiés syriens hébergés dans les pays voisins de la Syrie d'entrer dans l'Union européenne par les voies légales, notamment la mise à disposition de davantage de places de réinstallation ou d'admission à titre humanitaire, le regroupement familial et les visas humanitaires et étudiants.

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Un adolescent en exil

Comme tous les pères avec leurs fils, Fewaz et Malak ont parfois du mal à coexister. Une nouvelle coupe de cheveux et une cigarette en cachette peuvent déjà créer des tensions dans le petit appartement qui est leur chez-soi. Malgré cela, un lien puissant les unit : ces réfugiés syriens ont été bloqués pendant près d'un an dans un quartier pauvre d'Athènes.

Ils avaient auparavant fui leur maison avec le reste de la famille durant l'été 2012, après que la guerre ait commencé à tourmenter leur paisible vie. Depuis la Turquie, ils avaient tenté plusieurs fois la traversée périlleuse pour entrer en Grèce.

Malak, treize ans, a été le premier à passer la frontière marquée par le fleuve Evros. Mais Fewaz, sa femme et leurs deux autres enfants n'ont pas eu cette chance en mer. Ils avaient remis toutes leurs économies d'une vie pour tenter la traversée périlleuse de la Méditerranée. Ils ont été refoulés par les gardes-côtes grecs.

Lors de leur sixième tentative, le reste de la famille a traversé la frontière et le fleuve Evros. Sa femme et ses deux enfants ont rejoint l'Allemagne, mais Fewaz est parti vers Athènes pour retrouver Malak.

«Quand j'ai enfin vu mon père à Athènes, les mots ne suffisent pas pour décrire ma joie », dit Malak. Cependant, l'adolescent était hanté par le fait de perdre à nouveau son père. « Je crains que mon père soit arrêté, que ferais-je sans lui ? »

Jusqu'au regroupement de la famille, Malak et son père restent ensemble et se serrent les coudes. Le garçon apprend à se débrouiller en grec. Et Fewaz commence à s'habituer à la coupe de cheveux de son fils.

Un adolescent en exil

Sauvetage en mer

L'été, avec son beau temps et une mer plus calme, est souvent le théâtre d'une hausse du nombre de personnes risquant leur vie pour traverser la Méditerranée et demander l'asile en Europe. Cette année, les chiffres ont toutefois augmenté dans une proportion stupéfiante. En juin, les opérations de recherche et de sauvetage Mare Nostrum ont permis de retrouver des passagers désespérés au nombre de plus de 750 par jour.

A la fin juin, le photographe du HCR Alfredo D'Amato est monté à bord du San Giorgio, un bâtiment prenant part au volet italien de l'opération navale, afin de recueillir des informations sur le processus de sauvetage - y compris depuis la première observation de bateaux à partir d'un hélicoptère militaire, le transfert des passagers vers de petits bateaux de sauvetage puis le vaisseau de la marine et, enfin, leur retour sur la terre ferme dans les Pouilles, en Italie.

Le 28 juin en l'espace de six heures seulement, l'équipage a porté secours à 1 171 personnes qui se trouvaient à bord de quatre embarcations surchargées. Plus de la moitié sont originaires de la Syrie déchirée par la guerre, avec, pour la plupart, des familles et de grands groupes. D'autres arrivent depuis l'Erythrée, le Soudan, le Pakistan, le Bangladesh, la Somalie et au-delà. Les photos de A. D'Amato et les interviews qui les accompagnent mettent en lumière la vie de ces personnes dont la situation, dans leur pays, était devenue précaire au point de mettre leur vie en péril.

Sauvetage en mer

L'histoire de Jihan

Comme des millions d'autres, Jihan, 34 ans, était prête à tout pour échapper à la guerre sévissant en Syrie et pour mettre sa famille en sécurité. Contrairement à la plupart, Jihan est aveugle.

Il y a neuf mois, elle a fui Damas avec Ashraf, son mari âgé de 35 ans, qui est également en train de perdre la vue. Avec leurs deux fils, ils se sont rendus en Turquie par la mer Méditerranée, à bord d'un bateau avec 40 autres personnes. Ils espéraient que le voyage ne durerait huit heures. Ils n'avaient aucune garantie d'arriver sains et saufs.

Après une périlleuse traversée qui aura duré 45 heures, la famille est enfin arrivée à Milos, une île grecque de la mer Egée, à des kilomètres de la destination qui était prévue. Sans aucun soutien ni aucune assistance, ils ont dû se débrouiller pour se rendre à Athènes.

La police les a détenus pendant quatre jours à leur arrivée. On leur a demandé de rester hors d'Athènes, ainsi que trois autres villes grecques, en les laissant à l'abandon.

Démunis et épuisés, la famille a été contrainte de se séparer. Ashraf est parti vers le nord en quête d'asile et Jihan s'est rendue à Lavrion avec ses deux enfants, une installation informelle à une heure de route de la capitale grecque.

Aujourd'hui, Jihan est impatiente de retrouver son mari qui, entre temps, a obtenu le statut de réfugié au Danemark. La chambre qu'elle partage avec ses deux fils, Ahmed, 5 ans, et Mohammad, 7 ans, est minuscule, et elle s'inquiète pour leur éducation. Sans greffe de la cornée, une chirurgie très complexe dont elle a besoin d'urgence, son oeil gauche se fermera à jamais.

« Nous sommes venus ici en quête d'une vie meilleure et pour trouver des personnes qui seraient plus à même de comprendre notre situation », explique-t-elle d'un air triste. « Je suis tellement en colère quand je vois qu'ils ne comprennent pas. »

L'histoire de Jihan