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Coincé à Calais

Articles d'actualité, 5 mars 2015

© HCR/J.Pebrel
Mazhar attend son heure avec d'autres réfugiés à Calais.

Imaginez-vous fuir la guerre qui fait rage dans votre pays et ne pas pouvoir y retourner. Imaginez-vous, si vous le pouvez, laisser votre famille derrière vous et marcher pendant des mois à la recherche d'un endroit sûr seulement pour être sans cesse rejeté ou même emprisonné. Pour la plupart d'entre nous, cette situation ressemble à un cauchemar. Mais pour Mazhar, un Syrien de 27 ans, c'est la réalité et il la revit chaque jour.

Lorsque je le rencontre un soir, sur le quai de chargement d'une usine de Calais (France) où il dort, il a l'air épuisé. Ses cheveux noirs bouclés sont emmêlés par la pluie et il me regarde avec de doux yeux bruns sous la pluie battante. « Nous les Syriens, sommes tous désespérés », explique-t-il. « Nous dormons dans la rue. Il me reste un peu d'argent, que je partage, mais je veux juste me rendre en Angleterre ».

Derrière lui, sur le tarmac dur et froid, des sacs de couchage et des couvertures s'alignent sur le quai de chargement. C'est là que lui et quelque 20 autres Syriens vivent depuis qu'ils sont arrivés à Calais il y a quelques mois. Autour de la ville portuaire elle-même, ils sont des centaines d'autres originaires de pays déchirés par la guerre comme l'Afghanistan, l'Érythrée, le Soudan et au-delà tous avec le même objectif : l'Angleterre.

« Nous sommes tous déterminés à poursuivre notre route », me dit Mazhar, s'abritant sous le toit de l'usine tandis que la pluie s'abat. « Nous voulons nous rendre au Royaume-Uni, car c'est un pays libre où nous serons en sécurité. Je ferai tout ce qu'il faut pour y arriver ».

Souvent, ce voyage implique de mettre en péril sa vie ou son intégrité physique, en s'accrochant sous un véhicule, en se faufilant à l'arrière d'un camion ou en se précipitant sur un ferry. Et à mesure que la sécurité s'intensifie, le niveau de désespoir grandit lui aussi.

« Maintenant, la situation est beaucoup plus difficile », explique Mazhar. « Avant, il y avait une petite clôture, à présent il y en a plus. Il y a beaucoup de policiers et d'agents de sécurité, et s'ils vous attrapent, ils vous mettent en prison ».

La vie à Calais est éprouvante. Les migrants et les réfugiés comme Mazhar ne font souvent qu'un repas par jour distribué par des œuvres de charité locales et des ONG comme l'Association Salam, Auberge des Migrants et La Vie Active et leurs conditions de vie sont épouvantables. Dans un des camps de fortune connu sous le nom de Tioxide, des centaines de personnes vivent dans des tentes, sans accès à des toilettes, à des douches ou à de l'eau propre.

« Les résidents nous regardent comme si nous n'étions rien », explique Mazhar. « Ils disent, « Qui sont ces personnes? » et « D'où viennent-ils? » Ils ne savent rien de nous, et parfois les jeunes nous jettent des pierres pendant que nous dormons. La police se moque de nous ».

© HCR/J.Pebrel
Avec de nombreux autres Syriens, Mazhar attend la tombée de la nuit à l'extérieur d'un café, il tentera alors une fois de plus de se rendre au Royaume-Uni.
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Mazhar, qui vient de Syrie, mange son unique repas de la journée, distribué par les oeuvres de charité Salam et Auberge des Migrants sur le quai de chargement de l'usine qu'il appelle à présent son chez lui.
© HCR/J.Pebrel
Mazhar se réchauffe dans son sac de couchage sur le quai de chargement d'une usine de Calais. Tandis que l'hiver approche, les nuits deviennent plus froides.

Quand il était à Daraa, Syrie, Mazhar étudiait les technologies de l'information lorsque le conflit a bouleversé sa vie. « Je devais m'enfuir », se souvient-il. « Personne ne veut vivre au milieu d'une guerre. Mes parents m'ont donné de l'argent et m'ont dit de partir. Ils m'ont dit « Protège-toi ».

En repensant au « jour noir » où il a quitté la maison et est parti pour la Turquie, son visage s'assombrit. Il se rappelle avoir payé 1 800 ? à des passeurs et avoir marché avec un groupe d'autres Syriens jusqu'à ce Thessalonique en Grèce.

« J'ai choisi de partir par la rivière, parce que j'ai peur de la mer », explique-t-il. « Mais j'ai vu la mort partout, dans les forêts et dans les bois ».

« Des personnes sont venues par la mer », raconte-t-il. « J'ai choisi de partir par la rivière, parce que j'ai peur de la mer », explique-t-il. « Mais j'ai vu la mort partout, dans les forêts et dans les bois ».

De là, Mazhar a marché jusqu'à Athènes, où il espérait trouver un passeur pour se rendre en Italie. Mais il a rapidement vu le danger d'être entassé à l'arrière d'un camion en été. « Alors j'ai choisi un autre moyen », explique-t-il en fermant les yeux. « L'avion. Mais cela n'a pas marché. J'avais une carte d'identité et un passeport grecs, mais ils m'ont arrêté. Ils savaient que j'étais Syrien à cause de mon accent et de ma façon de parler ».

Et donc, rejoignant d'autres Syriens, Mazhar a essayé divers itinéraires terrestres, passant par la Macédoine, l'Albanie, le Monténégro, la Serbie et la Croatie. Mais il a été attrapé de nombreuses fois, explique-t-il, et parfois il a détenu et battu. « La police nous a traités si mal », ajoute-t-il, « Ils ont mis leurs armes devant notre visage. Ils nous ont même mis sur le bord de la route et nous ont pris en photo. Ils riaient et envoyaient les photos à leurs amis ».

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Un ancien terrain de basket, qui faisait partie de l'usine de produits chimiques Tioxide, abrite à présent des centaines de réfugiés et de migrants à Calais, France.
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Les réfugiés et les migrants ont planté leur tente sur un quai de chargement à Calais, France.
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Dans une région qu'on appelle la « Jungle », les réfugiés et les migrants dorment dans des tentes et des abris de fortune près d'une route qui mène aux ferries grâce auxquels ils espèrent parvenir en Angleterre. HCR/Christophe Vander Eecken
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Une jeune Érythréenne émerge de sa tente à Calais.

« Je voulais que tout ça se termine », raconte Mazhar. « Je voulais simplement arriver dans un pays qui pourrait me protéger et m'offrir un avenir ».

Il a finalement payé 1 200 ? à un passeur pour qu'il l'aide à se rendre en Croatie, et de là, il est passé en Italie et ensuite en France. Mais à Calais, ses espoirs ont à nouveau été anéantis.

« Je m'étais fait une idée de ce que serait l'Europe, mais je n'avais jamais imaginé que ce serait comme ça », explique-t-il en montrant les sacs de couchage mouillés autour de lui. « Je pensais que l'Europe était civilisée, je ne m'attendais pas à ce que les gens nous traitent comme ça, nous frappent, nous insultent. Tout est terrible. Les gens pleurent et disent qu'ils auraient voulu mourir en Syrie ».

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Des bénévoles de Salaam distribuent de la nourriture aux réfugiés et aux migrants un soir dans le centre-ville de Calais.
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Des bénévoles apportent de la nourriture à Tioxide, un campement ainsi nommé à cause d'une usine de produits chimiques toute proche.
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Rahman Jan, qui travaille avec l'association Auberge des Migrants, aide à préparer la nourriture pour les réfugiés et les migrants à Calais.

Stefan Maier, un fonctionnaire chargé de la protection du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) qui se rend régulièrement à Calais pour surveiller la situation, me parle des efforts mis en œuvre pour installer un centre de jour dans la ville au début du mois d'avril. Bientôt, les migrants et les demandeurs d'asile pourront venir y chercher des renseignements et des conseils, et prendre une douche. Mais cela ne constitue pas une réponse durable au problème.

« Nous considérons ces efforts comme une évolution considérable », explique Stefan Maier. « Mais, à l'exception des femmes et des filles, qui bénéficieront d'une structure d'accueil 24 heures sur 24, le centre restera un centre de jour, nous estimons donc qu'il est important d'envisager également des solutions en termes d'abris de transition ».

De l'avis de Mazhar, la seule solution est l'Angleterre. Il estime que demander l'asile en France est futile. « Vous devez attendre un mois rien que pour obtenir une audience », dit-il.

Philippe Leclerc, représentant du HCR en France, souligne que la situation à Calais est complexe et nécessite des réponses multiples. « Le HCR collabore avec le gouvernement français et des ONG partenaires pour trouver des alternatives au passage de manière illégale au Royaume-Uni, en particulier en demandant l'asile en France ».

Si Philippe Leclerc se félicite des récents efforts mis en œuvre par le gouvernement pour assurer un accès plus efficace à l'asile, il souligne les lacunes restantes, notamment le besoin de conditions de réception plus dignes. « Une solidarité, une confiance et une responsabilité accrues parmi les états membres sont essentielles », ajoute-t-il

© HCR/C.Vander Eecken
Un Soudanais se lave les cheveux par une température glaciale à Calais, France. Des graffitis arabes sur les murs disent « Le Soudan, mon pays ».

Un camion passe rapidement, ses phares cherchant à travers l'obscurité. Mazhar le regarde tandis qu'il disparaît dans le virage et se dirige vers le port. Il soupire et hausse les épaules. Peut-être qu'aujourd'hui il n'a pas l'énergie d'essayer.

« Ce n'est pas notre faute si la France ne nous accepte pas, ni le Royaume-Uni », dit-il, en s'installant dans son sac de couchage humide. « Alors que devons-nous faire? »

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Dehors dans le froid à Calais

Un grand nombre de jeunes hommes et d'adolescents originaires d'Afghanistan, d'Erythrée, d'Iran, d'Iraq, de Somalie et du Soudan arrivent à Calais, une ville portuaire du nord de la France, après un long et dangereux périple. Certains ont fui leur pays pour échapper aux persécutions, au conflit ou à l'enrôlement forcé ; d'autres recherchent une vie meilleure. La ville de Calais est devenue un point de transit où des passeurs ont des réseaux établis qui amènent ces hommes vers d'autres pays européens. Les demandeurs d'asile et les migrants bâtissent des camps de fortune qui sont régulièrement rasés par la police française. Le plus souvent, ils doivent dormir en plein air et ils vivent dans la crainte constante d'une arrestation ou d'une expulsion. Le HCR a ouvert un bureau à Calais, dans le but d'informer les jeunes arrivants sur les procédures d'asile en France ainsi que d'autres aides disponibles.

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Depuis Paris avec affection, des jouets pour les enfants syriens

Chaque année, le Musée du Quai Branly à Paris organise une collecte de jouets auprès d'écoliers à Paris et, avec un peu d'aide du HCR et d'autres partenaires clés, les envoie aux enfants réfugiés qui ont tant perdu.

Cette année, les bénéficiaires étaient des dizaines d'enfants syriens vivant dans deux camps de réfugiés en Turquie, l'un des principaux pays d'accueil pour plus de 1,4 million de Syriens qui ont fui leur pays, avec ou sans leurs familles. La plupart des enfants sont traumatisés et ils ont perdu toutes leurs affaires dans les décombres en Syrie.

La semaine dernière, le personnel du musée, le HCR et la Fédération des Associations d'Anciens du Scoutisme ont rassemblé les jouets et les ont emballés dans 60 colis. Ces colis ont ensuite été transportés vers la Turquie par Aviation sans Frontières puis acheminés vers l'école maternelle et des garderies dans les camps de Nizip-1 et Nizip-2 près de la ville de Gaziantep.

Ce cadeau a été donné par des enfants grandissant paisiblement dans la capitale française. Les jouets ont apporté un rayon de soleil dans la vie de ces jeunes réfugiés syriens et leur rappelle qu'ils ne sont pas oubliés par d'autres enfants dans le monde extérieur.

Ces images de la distribution de jouets ont été prises par le photographe Aytac Akad et Selin Unal du HCR.

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Un « Hôtel » 0 étoile que les demandeurs d'asile appellent « maison » à Dijon

La France est l'une des principales destinations pour les demandeurs d'asile en Europe, avec quelque 55 000 nouvelles demandes d'asile en 2012. Compte tenu du nombre croissant de demandeurs, beaucoup de villes françaises sont confrontées à une pénurie sévère d'hébergements pour demandeurs d'asile.

Le gouvernement essaie de s'attaquer à ce problème et a annoncé, en février 2013, la création de 4 000 places supplémentaires dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile financés par l'État. Cependant de nombreux demandeurs d'asile sont toujours obligés de dormir à la rue ou d'occuper des bâtiments vides. L'un de ces bâtiments, surnommé « Hôtel Réfugiés » par ses occupants de passage, se trouve dans la banlieue de la ville de Dijon, dans l'est de la France. Il illustre la situation critique de l'hébergement.

L'ancien abattoir héberge environ 100 demandeurs d'asile, originaires principalement du Tchad, du Mali et de Somalie, mais aussi de Géorgie, du Kosovo et d'autres pays d'Europe de l'Est. La plupart sont des hommes seuls, mais il y a aussi deux familles.

Dans ce bâtiment vide, froid, humide et infesté de rats, les tuyaux fuient et l'électricité fonctionne de manière sporadique. Il n'y a qu'un seul lavabo, deux robinets d'eau potable, aucune salle de bain et aucune cuisine. Les demandeurs d'asile dorment dans les anciennes chambres froides. Les autorités ont essayé de fermer le squat plusieurs fois. Ces images, prises par le photographe britannique Jason Tanner, montrent l'état épouvantable du bâtiment et représentent les personnes qui l'appellent leur « maison ».

Un « Hôtel » 0 étoile que les demandeurs d'asile appellent « maison » à Dijon

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Dehors dans le froid à Calais

Malgré des températures négatives, des migrants et des demandeurs d'asile continuent à affluer vers la ville portuaire de Calais dans le nord de la France, avec l'objectif de traverser la Manche vers le Royaume-Uni. Certains sont originaires de zones de conflit et le HCR fait son possible pour qu'ils aient accès aux procédures d'asile. 02/02/2010