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Apatridie : Une vie en sursis en Afrique du Sud
Articles d'actualité, 10 octobre 2011
MUSINA, Afrique du Sud, 10 octobre (HCR) – Au premier coup d'œil, Jabulani Sibanda vit le rêve sud-africain. Agé de 31 ans, il est marié, il a deux beaux enfants ainsi qu'une voiture, une maison et sa propre affaire.
Il n'est toutefois pas tout à fait maître de sa vie car il est apatride. Il a tenté en vain durant des années d'obtenir des documents pour sa nationalité et son permis de résidence. Sans ces documents, il s'est résigné à vivre de façon calme et discrète vis-à-vis des autorités.
« Je me retrouve tout le temps à la case départ », a-t-il expliqué, haussant les épaules en citant les obstacles auxquels il est confronté. « Je ne connais pas d'autre vie que celle d'habiles contorsions pour me faire accepter ou me sortir de certaines situations. C'est ma vie. »
Ses problèmes ont commencé lorsqu'il avait sept ans quand, avec sa mère, il a traversé illégalement la frontière depuis le Zimbabwe vers l'Afrique du Sud. Sa mère était d'origine malawienne et elle a vécu au Zimbabwe puis à Musina dans le nord de l'Afrique du Sud. Puis, quand son fils a eu 15 ans, elle l'a abandonné en le laissant à la famille qui les avait hébergés.
Malgré quelques souvenirs de la vie à Bulawayo, au Zimbabwe, Sibanda n'avait aucune chance de retrouver un certificat de naissance auprès des autorités zimbabwéennes ou d'obtenir une preuve qu'il est ressortissant zimbabwéen. Sans ces documents, Sibanda ne pouvait pas aller à l'école en Afrique du Sud.
Son cas est loin d'être unique. Il met en lumière un volet manquant de la législation en Afrique du Sud, a indiqué Rosalind Elphick, une juriste employée chez un partenaire opérationnel à Musina, Lawyers for Human Rights (LHR), et travaillant sur un Projet régional du HCR pour lutter contre l'apatridie.
Bien que la loi sur la citoyenneté adoptée en Afrique du Sud en 1995 offre la nationalité aux enfants nés dans le pays qui seraient sinon apatride, aucune législation ne protège les personnes qui sont apatrides mais qui ne sont pas réfugiées.
Le problème de l'apatridie affecterait des milliers de personnes en Afrique du Sud.
Envers et contre tout, Sibanda a vécu d'expédients, grâce à la gentillesse d'amis et d'étrangers. Il a appris autant que possible les 11 langues parlées en Afrique du Sud, ce qui lui permet de toujours s'en sortir dans des situations difficiles au niveau juridique.
Mais il n'a jamais quitté la seule ville sud-africaine qu'il connaît. « Si je suis arrêté en chemin vers Johannesburg ou ailleurs sans document d'identité, où vais-je terminer ? » demande-t-il. « Je préfère rester en sécurité plutôt que de prendre des risques. »
A 17 ans, il est devenu apprenti chez un soudeur local à Musina. Après trois ans de formation, il s'est mis à son compte. Il s'est marié avec une Sud-Africaine et il s'est assuré que ses enfants aient un certificat de naissance.
LHR a déposé pour lui une demande auprès du Ministère de l'Intérieur pour qu'il obtienne un permis de résidence permanent sur la base de son bon caractère, de son intégration dans la société sud-africaine et de son autonomie financière. Il est considéré comme un cas qui pourrait créer un précédent pour d'autres apatrides.
« Il n'a plus aucun lien au Zimbabwe ou au Malawi. Il a vécu dans un autre pays quand il était enfant et il n'y est jamais retourné », a indiqué Rosalind Elphick, de LHR. « Il a vécu une grande partie de sa vie en Afrique du Sud et il n'est pas responsable de sa situation. »
« Sans les documents corrects, je ne peux rien acheter à mon nom, alors tout ce qui m'appartient actuellement est la propriété de quelqu'un d'autre », a-t-il expliqué. « Je dois toujours faire attention de bien me conduire car un seul geste maladroit pourrait signifier la perte de tous mes biens. »
Malgré sa situation, l'affaire de Sibanda est rentable et il « possède » une voiture d'occasion et une maison comme beaucoup d'autres habitants près de chez lui. Pour conserver ses biens, il s'est entraîné à s'adapter à la personnalité et au bon vouloir de ses nombreux bienfaiteurs.
Il a ajouté : « La vie continue. Je ne vais pas me laisser envahir par ce problème. J'ai une famille à nourrir et je ferai tout pour garder ma famille unie. »
Par Pumla Rulashe à Musina, Afrique du Sud