Discours prononcé par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, devant le Conseil du Comité intergouvernemental pour les migrations européennes au cours de sa vingtième session, Genève, le 15 octobre 1963

Discours du Haut Commissaire, 15 octobre 1963

Le 15 octobre 1963

Monsieur le Président, Messieurs les délégués,

Je suis très heureux en vérité d'avoir l'occasion de m'adresser aux gouvernements, membres du CIME car vous formez avec les pays représentés à notre propre Comité exécutif, la famille internationale des gouvernements qui sa préoccupent des réfugiés. Il est donc naturel qu'une association extrêmement étroite se soit développée entre mon Office et la QUE depuis les débuts de nos deux organisations et que le maintien et le renforcement de notre travail d'équipe restent aujourd'hui l'une des clés de voûte de la politique du Haut-Commissaire.

Le rapport du Directeur sur la politique et l'activité du CIME que vous avez devant vous définit très explicitement nos rôles respectifs. Dans le domaine de la réinstallation, la fonction du Haut-Commissaire est au premier chef celle d'un promoteur et ses activités dans ce domaine s'appuient sur le financement ou le co-financement de projets de réinstallation et du placement des réfugiés handicapés dans des institutions, Il prend contact avec les gouvernements, pour leur demander d'entreprendre des projets spéciaux, notamment en faveur des réfugiés handicapés, ou pour faire ressortir les avantages que présenterait, pour les réfugiés, l'allégement d'exigences particulières, par exemple de limite d'âge. C'est le CIME qui traduit ensuite en mesures concrètes l'accord réalisé en triant des bénéficiaires éventuels et en assurant le transport effectif des réfugiés sélectionnés. Toutefois, l'importance de la contribution du CIME dans le « tableau général » des migrations de réfugiés va bien au-delà de la fourniture de ces services si essentiels qu'ils soient. Dans quelques-uns des principaux pays d'outre-mer, l'admission des réfugiés n'ayant que des aptitudes professionnelles assez réduites est facilitée si elle fait partie d'un mouvement de migrations plus large ; ainsi, en contribuant au développement de la, migration en général, le CIME permet d'obtenir de plus grands débouchés pour les réfugiés.

Comme vous le savez, j'ai ou l'honneur récemment de visiter deux importants pays d'immigration d'outre-mer l'Australie et la Nouvelle-Zélande, et j'ai souligné dans ces deux pays combien une attitude favorable de la part des pays de réinstallation a d'importance pour le fonctionnement effectif du mécanisme international créé en faveur des réfugiés. Les pays de premier asile en Europe sont, bien entendu, d'autant plus disposés à admettre ceux qui recherchent un nouveau foyer s'ils savent que les pays d'outre-mer acceptent de donner à ces gens déracinés une chance de réinstallation. En Autriche, il y a quelques semaines, j'ai été réconforté de voir avec quelle facilité ce mécanisme fonctionne effectivement. Le CIME joue de toute évidence dans ce processus un rôle important.

C'est ce type de travail d'équipe, Monsieur la Président, qui met en jeu gouvernements, sociétés bénévoles, CIME et Programme américain en faveur des évadés, qui nous a permis d'en arriver au point où la fin de l'ancien problème des réfugiés, vaste reliquat des misères que nous a léguées la deuxième guerre mondiale, est maintenant en vue. En 1995, il y avait 85.000 d'Europe réfugiés dans les camps Europe placés sous le mandat du Haut-Commissaire. En septembre dernier, il n'en restait plus que 3.450 bien quo 180.000 nouveaux réfugiés soient passés par les camps dans l'intervalle. Nous sommes ainsi à la veille de boucler cette ancienne activité. Nous concentrons maintenant notre attention sur quelque 26.000 réfugiés non installés auxquels nous nous efforcerons de venir en aide dans les deux années à venir. La plupart d'entre eux ne vivent pas dans un camp, surtout dans les pays dont les possibilités économiques limitées exigent, pour qu'un réfugié subvienne, lui-même à ses besoins, large éventail de mesures et un plus grand effort matériel que dans d'autres parties de l'Europe. L'achèvement de cette phase a été quelque peu mise en danger par l'important déficit financier auquel mon Office a du faire face au début de cette année, mais grâce, principalement, à la bonne volonté avec laquelle las gouvernements ont répondu à ma requête d'un effort spécial, en sus de leur contribution normale, nous avons réussi à combler sensiblement l'écart. Ce n'est pas à tort, j'espère, que nous attendons maintenant avec une certaine confiance la conclusion de ces travaux qui grèvent la collectivité internationale depuis tant d'années.

Je voudrais évoquer ici un problème important. Ces dernières années, le Haut-Commissariat été sollicité de participer à la solution de nouvelles situations dramatiques surgies en Afrique et en Asie, et mettant en jeu, par exemple, des réfugiés d'Algérie au Maroc et en Tunisie, des réfugiés d'Angola au Congo, des réfugiés du Ruanda dans les régions avoisinantes d'Afrique centrale et d'Afrique orientale, mais si dramatiques qu'elles soient, ces situations n'ont nullement détourné notre intérêt ni nos efforts des réfugiés d'Europe. Elles traduisant simplement des bouleversements politiques avec les tensions qui les accompagnent, qui se déroulent dans ces régions en suscitant de nouveaux besoins. En dépit de cette tendance nous consacrons et consacrerons toujours toute notre attention à la nécessité d'assurer aux nouveaux réfugiés d'Europe la possibilité de quitter rapidement le pays de premier asile. La collaboration du CIME à ce processus ne sera pas moins précieuse que par la passé, car il importe d'éviter la création d'un nouveau problème résiduel du genre de celui dont la solution a exigé tant de temps et d'efforts.

Si j'insiste, c'est qu'en évoquant ce que l'on peut appeler le parachèvement du travail en Europe, nous ne pensons qu'à la conclusion des programmes intéressant spécialement les anciens réfugiés d'après guerre. Nous ne resterons certainement pas indifférents à l'afflux continuel de nouveaux réfugiés en Europe ni aux nouvelles séries de difficultés qu'il nous faudra affronter en Europe ou ailleurs,

A l'avenir, la protection internationale restera, bien entendu, un aspect essentiel de ma tâche. En outre, nous nous efforcerons toujours d'aider moralement et matériellement tous ceux qui, avec nous, s'occupent du vaste et complexe problème des réfugiés, afin que ce mécanisme international né de la bonne volonté des gouvernements, des institutions internationales et des organisations bénévoles, puisse travailler avec le plus grand rendement global possible et rester fidèle aux grands principes que nous servons tous.

Je vous remercie, Monsieur le Président, de m'avoir donné l'occasion de m'adresser aujourd'hui au Conseil du CIME, et je souhaite que vos travaux obtiennent un plein succès.

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