Le HCR appelle l'Europe à enrayer les tragédies maritimes de migrants et de réfugiés

Articles d'actualité, 24 juillet 2014

© HCR/A.D'Amato
A bord d'un navire italien, un Syrien tient son fils d'un an dans les bras, en attendant un examen médical assuré par un médecin. Comme les personnes derrière lui, ils ont été secourus en mer Méditerranée.

GENEVE, Suisse, 24 juillet (HCR) Le HCR a appelé jeudi à une action européenne urgente pour enrayer la hausse des décès en mer parmi des réfugiés et des migrants, après que plus de 260 personnes aient trouvé la mort ou soient portées disparues dans leur tentative de traverser la Méditerranée vers l'Europe, pour la seule période des 10 derniers jours.

Les survivants ont signalé des faits troublants de noyades en masse, de suffocations et un épisode de violence présumé avec de multiples coups de couteau, peut-on lire dans un communiqué du HCR publié à Genève. Le décompte macabre porte déjà à 800 le nombre total de décès en mer cette année, comparativement à un total de 600 décès pour toute l'année 2013, et de 500 en 2012.

« La mort de 260 personnes en moins de dix jours, dans des circonstances effroyables, est la preuve de l'intensification de la crise en Méditerranée », a déclaré António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. « Les Européens doivent mettre en œuvre des mesures urgentes pour éviter que cette catastrophe ne s'aggrave encore durant la seconde moitié de 2014. »

Ces tragédies marquent une intensification de la crise au large des côtes de l'Europe, alors que beaucoup fuient l'Erythrée, la Syrie et d'autres pays déchirés par le conflit en quête de sécurité en Europe au péril de leur vie en mer, aux mains de passeurs sans scrupule.

Plus de 75 000 réfugiés et migrants sont déjà arrivés en Italie, en Grèce, en Espagne et à Malte par la mer durant la première moitié de 2014, soit 25% de plus que les 60 000 personnes qui avaient effectué ce même voyage durant toute l'année 2013, et plus de trois fois plus que les 22 500 personnes arrivées en 2012.

L'Italie a reçu la majorité des arrivants (63 884), suivie de la Grèce (10 080), l'Espagne (1 000) et Malte (227). Par ailleurs, déjà 21 000 réfugiés et migrants sont arrivés en Italie depuis le 1er juillet 2014. Beaucoup venaient de l'Érythrée, de la Syrie et du Mali. La plupart ont embarqué en Afrique du Nord, et principalement en Libye.

Près de 11 000 personnes parmi eux sont des enfants, dont près de 6 500 Erythréens, qui étaient non accompagnés ou séparés de leurs familles.

Durant le seul week-end des 19 et 20 juillet, les autorités italiennes et maltaises, ainsi que plusieurs navires de commerce, ont sauvé 8 000 personnes.

António Guterres s'est félicité des efforts menés par l'Italie et par Malte. Il a également déclaré que les Etats européens doivent intensifier leur assistance. Il a appelé les gouvernements à renforcer les opérations de sauvetage, à fournir un accès rapide aux procédures d'asile pour les personnes ayant besoin de protection et, enfin, à offrir des alternatives légales aux traversées maritimes périlleuses.

Les réfugiés et les migrants secourus ont signalé avoir remis toutes leurs économies d'une vie à des passeurs, afin de voyager à bord d'embarcations de fortune et surchargées, entassés dans quelques mètres carrés sans nourriture, ni eau ni gilet de sauvetage.

La traversée peut durer entre un et quatre jours, selon les conditions météorologiques, l'état de la mer et celui du bateau. Dans plusieurs incidents, des personnes ont dérivé durant plus de deux semaines avant d'être secourues.

Le 14 juillet, les autorités italiennes ont sauvé 12 personnes à une distance de 40 miles nautiques des côtes libyennes. Les survivants ont déclaré que leur canot pneumatique transportait 121 personnes. Les passagers ont paniqué quand le bateau pneumatique a commencé à se dégonfler d'un côté. Puis il a chaviré. Au total, 109 personnes sont portées disparues ; un homme dit avoir perdu sa femme enceinte lors de cette tragédie.

Le 15 juillet, 29 personnes auraient trouvé la mort par asphyxie dans la cale d'un bateau de pêche. La police italienne a arrêté cette semaine cinq hommes soupçonnés de meurtre après avoir jeté par-dessus bord plus de 100 migrants qui tentaient la traversée depuis l'Afrique vers l'Europe à bord de ce bateau. Selon les informations, jusqu'à 131 personnes sont portées disparues et présumées décédées, après que certaines aient été poignardées et d'autres jetées par-dessus bord en tentant d'échapper à des vapeurs toxiques étouffantes sous le pont.

• FAITES UN DON •

 

• COMMENT NOUS AIDER • • RESTEZ INFORMÉS •
Asile et migration

Asile et migration

Tous dans le même bateau : les défis de la migration mixte à travers le monde.

Migration mixte

Les migrants diffèrent des réfugiés, mais ces deux populations voyagent parfois côte à côte.

Magazine Réfugiés N° 148

Magazine Réfugiés N° 148

Réfugié ou migrant ? Pourquoi cette question compte

Migration internationale

Le lien qui existe entre les mouvements de réfugiés et les migrations plus larges fait l'objet d'une attention croissante.

Liens Internet autour de ce thème

Le HCR n'est pas responsable du contenu et de la disponibilité des sites Internet externes

Un adolescent en exil

Comme tous les pères avec leurs fils, Fewaz et Malak ont parfois du mal à coexister. Une nouvelle coupe de cheveux et une cigarette en cachette peuvent déjà créer des tensions dans le petit appartement qui est leur chez-soi. Malgré cela, un lien puissant les unit : ces réfugiés syriens ont été bloqués pendant près d'un an dans un quartier pauvre d'Athènes.

Ils avaient auparavant fui leur maison avec le reste de la famille durant l'été 2012, après que la guerre ait commencé à tourmenter leur paisible vie. Depuis la Turquie, ils avaient tenté plusieurs fois la traversée périlleuse pour entrer en Grèce.

Malak, treize ans, a été le premier à passer la frontière marquée par le fleuve Evros. Mais Fewaz, sa femme et leurs deux autres enfants n'ont pas eu cette chance en mer. Ils avaient remis toutes leurs économies d'une vie pour tenter la traversée périlleuse de la Méditerranée. Ils ont été refoulés par les gardes-côtes grecs.

Lors de leur sixième tentative, le reste de la famille a traversé la frontière et le fleuve Evros. Sa femme et ses deux enfants ont rejoint l'Allemagne, mais Fewaz est parti vers Athènes pour retrouver Malak.

«Quand j'ai enfin vu mon père à Athènes, les mots ne suffisent pas pour décrire ma joie », dit Malak. Cependant, l'adolescent était hanté par le fait de perdre à nouveau son père. « Je crains que mon père soit arrêté, que ferais-je sans lui ? »

Jusqu'au regroupement de la famille, Malak et son père restent ensemble et se serrent les coudes. Le garçon apprend à se débrouiller en grec. Et Fewaz commence à s'habituer à la coupe de cheveux de son fils.

Un adolescent en exil

Sauvetage en mer

L'été, avec son beau temps et une mer plus calme, est souvent le théâtre d'une hausse du nombre de personnes risquant leur vie pour traverser la Méditerranée et demander l'asile en Europe. Cette année, les chiffres ont toutefois augmenté dans une proportion stupéfiante. En juin, les opérations de recherche et de sauvetage Mare Nostrum ont permis de retrouver des passagers désespérés au nombre de plus de 750 par jour.

A la fin juin, le photographe du HCR Alfredo D'Amato est monté à bord du San Giorgio, un bâtiment prenant part au volet italien de l'opération navale, afin de recueillir des informations sur le processus de sauvetage - y compris depuis la première observation de bateaux à partir d'un hélicoptère militaire, le transfert des passagers vers de petits bateaux de sauvetage puis le vaisseau de la marine et, enfin, leur retour sur la terre ferme dans les Pouilles, en Italie.

Le 28 juin en l'espace de six heures seulement, l'équipage a porté secours à 1 171 personnes qui se trouvaient à bord de quatre embarcations surchargées. Plus de la moitié sont originaires de la Syrie déchirée par la guerre, avec, pour la plupart, des familles et de grands groupes. D'autres arrivent depuis l'Erythrée, le Soudan, le Pakistan, le Bangladesh, la Somalie et au-delà. Les photos de A. D'Amato et les interviews qui les accompagnent mettent en lumière la vie de ces personnes dont la situation, dans leur pays, était devenue précaire au point de mettre leur vie en péril.

Sauvetage en mer

L'histoire de Jihan

Comme des millions d'autres, Jihan, 34 ans, était prête à tout pour échapper à la guerre sévissant en Syrie et pour mettre sa famille en sécurité. Contrairement à la plupart, Jihan est aveugle.

Il y a neuf mois, elle a fui Damas avec Ashraf, son mari âgé de 35 ans, qui est également en train de perdre la vue. Avec leurs deux fils, ils se sont rendus en Turquie par la mer Méditerranée, à bord d'un bateau avec 40 autres personnes. Ils espéraient que le voyage ne durerait huit heures. Ils n'avaient aucune garantie d'arriver sains et saufs.

Après une périlleuse traversée qui aura duré 45 heures, la famille est enfin arrivée à Milos, une île grecque de la mer Egée, à des kilomètres de la destination qui était prévue. Sans aucun soutien ni aucune assistance, ils ont dû se débrouiller pour se rendre à Athènes.

La police les a détenus pendant quatre jours à leur arrivée. On leur a demandé de rester hors d'Athènes, ainsi que trois autres villes grecques, en les laissant à l'abandon.

Démunis et épuisés, la famille a été contrainte de se séparer. Ashraf est parti vers le nord en quête d'asile et Jihan s'est rendue à Lavrion avec ses deux enfants, une installation informelle à une heure de route de la capitale grecque.

Aujourd'hui, Jihan est impatiente de retrouver son mari qui, entre temps, a obtenu le statut de réfugié au Danemark. La chambre qu'elle partage avec ses deux fils, Ahmed, 5 ans, et Mohammad, 7 ans, est minuscule, et elle s'inquiète pour leur éducation. Sans greffe de la cornée, une chirurgie très complexe dont elle a besoin d'urgence, son oeil gauche se fermera à jamais.

« Nous sommes venus ici en quête d'une vie meilleure et pour trouver des personnes qui seraient plus à même de comprendre notre situation », explique-t-elle d'un air triste. « Je suis tellement en colère quand je vois qu'ils ne comprennent pas. »

L'histoire de Jihan

Réfugiés syriens : L'attente à LampedusaPlay video

Réfugiés syriens : L'attente à Lampedusa

L'année dernière, plus de 13 000 personnes sont arrivées à Lampedusa en Italie. Beaucoup d'autres sont mortes durant la tentative de traversée. De jeunes hommes originaires du continent africain aux familles syriennes…. Tous partagent le même rêve…. de sécurité et de stabilité en Europe.
Grèce: Rude accueil en EuropePlay video

Grèce: Rude accueil en Europe

Mojahed est finalement arrivé en Grèce après un voyage long et périlleux depuis son village natal au Darfour, au Soudan. Mais les conditions de vie à Patras sont épouvantables.