Le bilan s'alourdit en Méditerranée après un tout dernier naufrage au large de la Libye

Articles d'actualité, 8 juillet 2014

© HCR/F.Noy
Des dizaines de milliers de personnes désespérées tentent de rejoindre l'Europe à bord de dangereux bateaux, comme ceux-ci en Libye.

Genève, 8 juillet (HCR) Une Syrienne et ses deux enfants (de trois et six ans) font partie des toutes dernières victimes à avoir perdu la vie en tentant de traverser la Méditerranée depuis la Libye, a déclaré le HCR mardi.

Lors d'un point de presse mardi à Genève, le HCR a indiqué aux journalistes que plus de 500 personnes auraient déjà trouvé la mort cette année lors de la traversée périlleuse pour rejoindre plusieurs pays en Europe. Un nombre record de 64 000 personnes voyageant à bord de petits bateaux depuis l'Afrique du Nord a rejoint l'Italie pour la seule année 2014, soit davantage que durant toute l'année 2013.

Les garde-côtes libyens ont fait part au HCR lundi (7 juillet) qu'ils avaient récupéré 12 corps sans vie suite au naufrage d'un bateau qui aurait eu lieu dimanche dernier (le 6 juillet). Parmi les victimes, on compte trois Syriens, trois ressortissants érythréens et six autres Africains de nationalités encore indéterminées.

Le bateau, qui aurait fait naufrage au large de Tripoli, avait une capacité d'environ 200 passagers. Il pourrait en avoir transporté davantage et il aurait chaviré au large de Tripoli, a indiqué Adrian Edwards. Des opérations de recherche et de sauvetage sont en cours et le sort des autres personnes qui pourraient s'être trouvées à bord du navire est inconnu.

Après cette nouvelle tragédie, quelque 217 personnes au total auraient trouvé la mort par noyade depuis début 2014 au large des côtes libyennes en tentant de traverser la Méditerranée. A ce chiffre doit s'ajouter celui de 290 autres victimes, mortes ou portées disparues, suite à des naufrages de bateaux au large de l'Italie, de la Turquie et de la Grèce. Le bilan des décès en Méditerranée s'élève à plus de 500 personnes depuis début 2014.

« Le HCR se félicite des opérations de recherche et de sauvetage menées par les autorités libyennes mais l'Organisation demande un nouveau renforcement de ces opérations, notamment dans les zones maritimes à forte fréquentation », a indiqué Adrian Edwards.

« Nous exhortons également les États à travers le monde à examiner des alternatives légales aux dangereuses traversées en mer, comme l'accroissement des regroupements familiaux, des possibilités de réinstallation rapide et des admissions à titre humanitaire », a-t-il indiqué. « Les gouvernements sont, en outre, encouragés à ne pas mettre en œuvre des mesures punitives ou dissuasives, comme la détention des personnes en quête de sécurité. »

Près de 37 000 demandeurs d'asile et réfugiés ont été enregistrés par le HCR à Tripoli et Benghazi. Les Syriens constituent le plus grand groupe (18 655), suivi par les Erythréens (4 673), les Somaliens (2 380) et les Iraquiens (3 105).

« Cependant, les demandeurs d'asile ne sont pas tous enregistrés », a indiqué Adrian Edwards. « De nombreux demandeurs d'asile vivent dans des conditions précaires, comme des logements surpeuplés avec peu de chances d'accéder à un emploi formel. Ils sont affectés et déplacés à nouveau du fait de la situation actuelle en Libye. »

• FAITES UN DON •

 

• COMMENT NOUS AIDER • • RESTEZ INFORMÉS •
Asile et migration

Asile et migration

Tous dans le même bateau : les défis de la migration mixte à travers le monde.

Migration mixte

Les migrants diffèrent des réfugiés, mais ces deux populations voyagent parfois côte à côte.

Magazine Réfugiés N° 148

Magazine Réfugiés N° 148

Réfugié ou migrant ? Pourquoi cette question compte

Migration internationale

Le lien qui existe entre les mouvements de réfugiés et les migrations plus larges fait l'objet d'une attention croissante.

Liens Internet autour de ce thème

Le HCR n'est pas responsable du contenu et de la disponibilité des sites Internet externes

Un adolescent en exil

Comme tous les pères avec leurs fils, Fewaz et Malak ont parfois du mal à coexister. Une nouvelle coupe de cheveux et une cigarette en cachette peuvent déjà créer des tensions dans le petit appartement qui est leur chez-soi. Malgré cela, un lien puissant les unit : ces réfugiés syriens ont été bloqués pendant près d'un an dans un quartier pauvre d'Athènes.

Ils avaient auparavant fui leur maison avec le reste de la famille durant l'été 2012, après que la guerre ait commencé à tourmenter leur paisible vie. Depuis la Turquie, ils avaient tenté plusieurs fois la traversée périlleuse pour entrer en Grèce.

Malak, treize ans, a été le premier à passer la frontière marquée par le fleuve Evros. Mais Fewaz, sa femme et leurs deux autres enfants n'ont pas eu cette chance en mer. Ils avaient remis toutes leurs économies d'une vie pour tenter la traversée périlleuse de la Méditerranée. Ils ont été refoulés par les gardes-côtes grecs.

Lors de leur sixième tentative, le reste de la famille a traversé la frontière et le fleuve Evros. Sa femme et ses deux enfants ont rejoint l'Allemagne, mais Fewaz est parti vers Athènes pour retrouver Malak.

«Quand j'ai enfin vu mon père à Athènes, les mots ne suffisent pas pour décrire ma joie », dit Malak. Cependant, l'adolescent était hanté par le fait de perdre à nouveau son père. « Je crains que mon père soit arrêté, que ferais-je sans lui ? »

Jusqu'au regroupement de la famille, Malak et son père restent ensemble et se serrent les coudes. Le garçon apprend à se débrouiller en grec. Et Fewaz commence à s'habituer à la coupe de cheveux de son fils.

Un adolescent en exil

Sauvetage en mer

L'été, avec son beau temps et une mer plus calme, est souvent le théâtre d'une hausse du nombre de personnes risquant leur vie pour traverser la Méditerranée et demander l'asile en Europe. Cette année, les chiffres ont toutefois augmenté dans une proportion stupéfiante. En juin, les opérations de recherche et de sauvetage Mare Nostrum ont permis de retrouver des passagers désespérés au nombre de plus de 750 par jour.

A la fin juin, le photographe du HCR Alfredo D'Amato est monté à bord du San Giorgio, un bâtiment prenant part au volet italien de l'opération navale, afin de recueillir des informations sur le processus de sauvetage - y compris depuis la première observation de bateaux à partir d'un hélicoptère militaire, le transfert des passagers vers de petits bateaux de sauvetage puis le vaisseau de la marine et, enfin, leur retour sur la terre ferme dans les Pouilles, en Italie.

Le 28 juin en l'espace de six heures seulement, l'équipage a porté secours à 1 171 personnes qui se trouvaient à bord de quatre embarcations surchargées. Plus de la moitié sont originaires de la Syrie déchirée par la guerre, avec, pour la plupart, des familles et de grands groupes. D'autres arrivent depuis l'Erythrée, le Soudan, le Pakistan, le Bangladesh, la Somalie et au-delà. Les photos de A. D'Amato et les interviews qui les accompagnent mettent en lumière la vie de ces personnes dont la situation, dans leur pays, était devenue précaire au point de mettre leur vie en péril.

Sauvetage en mer

L'histoire de Jihan

Comme des millions d'autres, Jihan, 34 ans, était prête à tout pour échapper à la guerre sévissant en Syrie et pour mettre sa famille en sécurité. Contrairement à la plupart, Jihan est aveugle.

Il y a neuf mois, elle a fui Damas avec Ashraf, son mari âgé de 35 ans, qui est également en train de perdre la vue. Avec leurs deux fils, ils se sont rendus en Turquie par la mer Méditerranée, à bord d'un bateau avec 40 autres personnes. Ils espéraient que le voyage ne durerait huit heures. Ils n'avaient aucune garantie d'arriver sains et saufs.

Après une périlleuse traversée qui aura duré 45 heures, la famille est enfin arrivée à Milos, une île grecque de la mer Egée, à des kilomètres de la destination qui était prévue. Sans aucun soutien ni aucune assistance, ils ont dû se débrouiller pour se rendre à Athènes.

La police les a détenus pendant quatre jours à leur arrivée. On leur a demandé de rester hors d'Athènes, ainsi que trois autres villes grecques, en les laissant à l'abandon.

Démunis et épuisés, la famille a été contrainte de se séparer. Ashraf est parti vers le nord en quête d'asile et Jihan s'est rendue à Lavrion avec ses deux enfants, une installation informelle à une heure de route de la capitale grecque.

Aujourd'hui, Jihan est impatiente de retrouver son mari qui, entre temps, a obtenu le statut de réfugié au Danemark. La chambre qu'elle partage avec ses deux fils, Ahmed, 5 ans, et Mohammad, 7 ans, est minuscule, et elle s'inquiète pour leur éducation. Sans greffe de la cornée, une chirurgie très complexe dont elle a besoin d'urgence, son oeil gauche se fermera à jamais.

« Nous sommes venus ici en quête d'une vie meilleure et pour trouver des personnes qui seraient plus à même de comprendre notre situation », explique-t-elle d'un air triste. « Je suis tellement en colère quand je vois qu'ils ne comprennent pas. »

L'histoire de Jihan