Le HCR consterné par le lourd bilan des tragédies maritimes en Méditerranée

Articles d'actualité, 13 mai 2014

© HCR/A.D'Amato
Des réfugiés syriens sont secourus en mer Méditerranée par un bâtiment de la marine italienne. Le HCR est préoccupé par les nombreux naufrages de bateaux cherchant à atteindre l'Europe.

GENÈVE, 13 mai (HCR) Le HCR est profondément attristé par le bilan de plus en plus lourd des tragédies maritimes en mer Méditerranée cette année. Un nombre croissant de demandeurs d'asile et de réfugiés effectuent la traversée sur des bateaux impropres à la navigation, souvent aux mains de passeurs sans scrupule.

Le porte-parole du HCR Adrian Edwards a déclaré aux journalistes à Genève qu'hier, au moins 17 personnes se sont noyées après le chavirage d'un bateau dans les eaux internationales, à environ 160 kilomètres au sud de Lampedusa, en Italie, et à environ 80 kilomètres au nord-ouest de Tripoli, en Libye. Parmi les personnes décédées, il y avait 12 femmes, trois enfants et deux hommes.

Adrian Edwards a ajouté que deux navires cargo, l'un de pavillon français et l'autre du Vanuatu, ont porté secours à 226 personnes qui ont ensuite été soignées par des médecins italiens transférés par des bâtiments de la marine italienne. Le navire français Bourbon Arcadia a secouru 158 personnes et le cargo du Vanuatu, Kehoe Tide, a porté secours à 68 personnes.

La tragédie d'hier est la toute dernière d'une série de naufrages survenus au large des côtes libyennes ces 15 derniers jours, au cours desquels 121 personnes auraient trouvé la mort lors de ces trois accidents distincts. Quelque 134 personnes ont été secourues par les garde-côtes libyens. Les survivants reçoivent une assistance médicale de la part du HCR en coopération avec International Medical Corps, et les garde-côtes libyens. Le HCR a également fourni des vêtements, des matelas et d'autres articles de secours aux rescapés.

« Les deux autres naufrages dont nous avons été informés ont eu lieu au large des côtes libyennes vers le 6 mai. Un bateau transportant 130 personnes a fait naufrage environ 1/2h après avoir pris le large, juste à quelques miles de la côte », a indiqué Adrian Edwards. Certains parmi les 53 rescapés ont indiqué au HCR que les passeurs les avaient poussés à embarquer et que le bateau était parti alors même qu'il était endommagé.

Hier, le 12 mai, les garde-côtes ont retrouvé 44 corps sans vie qui proviendraient de ce même naufrage. La plupart des corps sans vie ont été ramenés par la mer sur le rivage ces derniers jours. Les passagers étaient originaires du Soudan, du Ghana, du Mali, du Burkina Faso, du Nigéria et du Sénégal.

La semaine précédente (2 mai), les garde-côtes libyens ont porté secours à 80 personnes (des Erythréens, des Somaliens et des Ethiopiens) après que leur embarcation impropre à la navigation ait commencé à prendre l'eau, à environ trois miles de la côte. Quatre autres personnes sont mortes par noyade dans cet accident.

Deux jours avant (30 avril), les garde-côtes libyens ont retrouvé l'épave d'un autre bateau au large de la côte de Tripoli. Le seul survivant, dans un état critique, est soigné dans un hôpital public. Tous les autres passagers, au nombre de 40 et tous des Somaliens, se sont noyés.

Parmi les victimes et les rescapés de naufrage, il y a des personnes qui fuient les violences ou la persécution dans leurs pays d'origine et les risques qu'ils prennent lors de ces périlleuses traversées mettent en lumière le peu d'alternatives qu'ils ont en Libye et dans d'autres contextes. Le HCR a lancé une campagne d'information en association avec les garde-côtes libyens, les ONG, les partenaires des Nations Unies et les demandeurs d'asile pour informer les personnes sur les risques réels de ces traversées.

« Le HCR se félicite des opérations de sauvetage menées par les autorités italiennes et libyennes ainsi que de la coopération des navires privés sans lesquels le bilan serait plus lourd encore. Toutefois l'organisation demande que les opérations de recherche et de sauvetage soient encore renforcées, tout spécialement en haute mer où se déroulent un grand nombre de tragédies maritimes », a souligné Adrian Edwards.

« Nous exhortons également les gouvernements à travers le monde à fournir des alternatives légales aux périlleuses traversées, afin d'assurer que les personnes désespérées en quête de refuge puissent trouver la protection et l'asile », a-t-il ajouté. Ces alternatives devraient inclure la réinstallation, l'admission pour des motifs humanitaires et un accès facilité au regroupement familial. Il est également demandé aux gouvernements de ne pas recourir à des mesures dissuasives ou punitives comme la détention pour les personnes qui recherchent la sécurité.

Selon le HCR, plus de 170 personnes ont déjà péri en mer en 2014 dans leur tentative de rejoindre l'Europe, au large de la Grèce, de la Libye, de l'Italie et dans les eaux internationales.

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Un adolescent en exil

Comme tous les pères avec leurs fils, Fewaz et Malak ont parfois du mal à coexister. Une nouvelle coupe de cheveux et une cigarette en cachette peuvent déjà créer des tensions dans le petit appartement qui est leur chez-soi. Malgré cela, un lien puissant les unit : ces réfugiés syriens ont été bloqués pendant près d'un an dans un quartier pauvre d'Athènes.

Ils avaient auparavant fui leur maison avec le reste de la famille durant l'été 2012, après que la guerre ait commencé à tourmenter leur paisible vie. Depuis la Turquie, ils avaient tenté plusieurs fois la traversée périlleuse pour entrer en Grèce.

Malak, treize ans, a été le premier à passer la frontière marquée par le fleuve Evros. Mais Fewaz, sa femme et leurs deux autres enfants n'ont pas eu cette chance en mer. Ils avaient remis toutes leurs économies d'une vie pour tenter la traversée périlleuse de la Méditerranée. Ils ont été refoulés par les gardes-côtes grecs.

Lors de leur sixième tentative, le reste de la famille a traversé la frontière et le fleuve Evros. Sa femme et ses deux enfants ont rejoint l'Allemagne, mais Fewaz est parti vers Athènes pour retrouver Malak.

«Quand j'ai enfin vu mon père à Athènes, les mots ne suffisent pas pour décrire ma joie », dit Malak. Cependant, l'adolescent était hanté par le fait de perdre à nouveau son père. « Je crains que mon père soit arrêté, que ferais-je sans lui ? »

Jusqu'au regroupement de la famille, Malak et son père restent ensemble et se serrent les coudes. Le garçon apprend à se débrouiller en grec. Et Fewaz commence à s'habituer à la coupe de cheveux de son fils.

Un adolescent en exil

Sauvetage en mer

L'été, avec son beau temps et une mer plus calme, est souvent le théâtre d'une hausse du nombre de personnes risquant leur vie pour traverser la Méditerranée et demander l'asile en Europe. Cette année, les chiffres ont toutefois augmenté dans une proportion stupéfiante. En juin, les opérations de recherche et de sauvetage Mare Nostrum ont permis de retrouver des passagers désespérés au nombre de plus de 750 par jour.

A la fin juin, le photographe du HCR Alfredo D'Amato est monté à bord du San Giorgio, un bâtiment prenant part au volet italien de l'opération navale, afin de recueillir des informations sur le processus de sauvetage - y compris depuis la première observation de bateaux à partir d'un hélicoptère militaire, le transfert des passagers vers de petits bateaux de sauvetage puis le vaisseau de la marine et, enfin, leur retour sur la terre ferme dans les Pouilles, en Italie.

Le 28 juin en l'espace de six heures seulement, l'équipage a porté secours à 1 171 personnes qui se trouvaient à bord de quatre embarcations surchargées. Plus de la moitié sont originaires de la Syrie déchirée par la guerre, avec, pour la plupart, des familles et de grands groupes. D'autres arrivent depuis l'Erythrée, le Soudan, le Pakistan, le Bangladesh, la Somalie et au-delà. Les photos de A. D'Amato et les interviews qui les accompagnent mettent en lumière la vie de ces personnes dont la situation, dans leur pays, était devenue précaire au point de mettre leur vie en péril.

Sauvetage en mer

L'histoire de Jihan

Comme des millions d'autres, Jihan, 34 ans, était prête à tout pour échapper à la guerre sévissant en Syrie et pour mettre sa famille en sécurité. Contrairement à la plupart, Jihan est aveugle.

Il y a neuf mois, elle a fui Damas avec Ashraf, son mari âgé de 35 ans, qui est également en train de perdre la vue. Avec leurs deux fils, ils se sont rendus en Turquie par la mer Méditerranée, à bord d'un bateau avec 40 autres personnes. Ils espéraient que le voyage ne durerait huit heures. Ils n'avaient aucune garantie d'arriver sains et saufs.

Après une périlleuse traversée qui aura duré 45 heures, la famille est enfin arrivée à Milos, une île grecque de la mer Egée, à des kilomètres de la destination qui était prévue. Sans aucun soutien ni aucune assistance, ils ont dû se débrouiller pour se rendre à Athènes.

La police les a détenus pendant quatre jours à leur arrivée. On leur a demandé de rester hors d'Athènes, ainsi que trois autres villes grecques, en les laissant à l'abandon.

Démunis et épuisés, la famille a été contrainte de se séparer. Ashraf est parti vers le nord en quête d'asile et Jihan s'est rendue à Lavrion avec ses deux enfants, une installation informelle à une heure de route de la capitale grecque.

Aujourd'hui, Jihan est impatiente de retrouver son mari qui, entre temps, a obtenu le statut de réfugié au Danemark. La chambre qu'elle partage avec ses deux fils, Ahmed, 5 ans, et Mohammad, 7 ans, est minuscule, et elle s'inquiète pour leur éducation. Sans greffe de la cornée, une chirurgie très complexe dont elle a besoin d'urgence, son oeil gauche se fermera à jamais.

« Nous sommes venus ici en quête d'une vie meilleure et pour trouver des personnes qui seraient plus à même de comprendre notre situation », explique-t-elle d'un air triste. « Je suis tellement en colère quand je vois qu'ils ne comprennent pas. »

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