Le HCR exhorte l'Europe à passer à la vitesse supérieure face à la crise des réfugiés

Communiqués de presse, 16 septembre 2015

Le HCR réitère sa profonde conviction que seule une réponse d'urgence collective de la part de l'Europe règlera la crise actuelle des réfugiés et des migrants. Des mesures isolées prises par les pays individuellement ne résoudront pas le problème et ne feront au contraire qu'aggraver une situation déjà chaotique, et augmenteront la souffrance de ces personnes, et aviveront les tensions entre les Etats au moment où l'Europe a besoin de plus de solidarité et de confiance.

Le HCR est particulièrement préoccupé par la série de mesures restrictives récemment adoptées par la Hongrie et par leur mise en œuvre, qui ont pour conséquence un accès à la frontière extrêmement limité pour les réfugiés. « Le HCR réitère son appel aux autorités hongroises afin qu'elles assurent un accès sans entrave aux personnes ayant besoin de protection, conformément à leurs obligations légales et morales » a déclaré mercredi le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, António Guterres. « Les Etats doivent gérer leurs frontières en conformité avec le droit européen et international, notamment en garantissant le droit de demander l'asile », a ajouté António Guterres.

Les rapports indiquent que très peu de demandeurs d'asile ont été autorisés à entrer en Hongrie au point de passage frontalier officiel. Le HCR a été particulièrement choqué et attristé de voir des réfugiés syriens, y compris des familles avec des enfants qui ont déjà tellement souffert, être empêchés d'entrer dans l'Union européenne par des canons à eau et des gaz lacrymogènes.

La Hongrie a également commencé le renvoi de demandeurs d'asile vers la Serbie, ne tenant pas compte des mises en garde répétées du HCR aux gouvernements. L'argument selon lequel les réfugiés peuvent être refoulés car il y a une possibilité de retour vers la Serbie, ne prend pas en compte le fait que le système d'asile qui est en train d'être mis en place en Serbie ne sera pas capable de faire face à l'ampleur de l'afflux actuel de personnes ayant besoin d'une protection effective.

A propos des réfugiés détenus pour avoir traversé irrégulièrement la frontière et qui vont être poursuivis, le HCR rappelle aux Etats leurs obligations en vertu de la Convention des Nations Unies sur les réfugiés et en particulier l'article 31 (pas de sanctions pénales applicables aux demandeurs d'asile et aux réfugiés du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers).

« Ce n'est pas un crime de traverser une frontière pour demander l'asile » a déclaré M. Guterres.

Afin de répondre à cette crise, et au vu des conclusions de la réunion des ministres de la Justice et des Affaires Intérieures et de la nouvelle situation prévalant à la frontière hongroise, le HCR a proposé mercredi 16 septembre un plan d'action d'urgence à Bruxelles visant à :

- La création immédiate de centres d'accueil en Grèce pour accueillir, assister, enregistrer et évaluer les besoins des personnes qui arrivent ;

- La mise en place immédiate d'un mécanisme de relocalisation, depuis la Grèce et depuis les centres existants en Italie, pour 40 000 réfugiés tel qu'accepté par le Conseil et les pays de l'UE participants. Cela devrait être élargi par des promesses additionnelles des Etats de l'UE pour répondre aux nouvelles propositions de la Commission européenne.

- Une aide d'urgence de l'UE à la Serbie pour établir un mécanisme similaire d'assistance adéquate et de relocalisation de personnes vers d'autres pays européens.

- En parallèle, le HCR insiste sur la nécessité d'augmenter de façon substantielle les possibilités d'accès à d'autres voies légales à l'UE pour les réfugiés syriens accueillis dans les pays voisins de la Syrie y compris les programmes de réinstallation et d'admission humanitaire, le regroupement familial et des visas humanitaires ou pour étudiants.

Dans le même temps, un nombre de plus en plus important de réfugiés se dirigent vers la Croatie. Le HCR a offert un soutien immédiat aux autorités croates et mobilise des équipes supplémentaires, des biens de première nécessité et des équipements en Grèce et en Serbie alors que 4 000 réfugiés et migrants continuent d'arriver quotidiennement en Grèce.

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Un adolescent en exil

Comme tous les pères avec leurs fils, Fewaz et Malak ont parfois du mal à coexister. Une nouvelle coupe de cheveux et une cigarette en cachette peuvent déjà créer des tensions dans le petit appartement qui est leur chez-soi. Malgré cela, un lien puissant les unit : ces réfugiés syriens ont été bloqués pendant près d'un an dans un quartier pauvre d'Athènes.

Ils avaient auparavant fui leur maison avec le reste de la famille durant l'été 2012, après que la guerre ait commencé à tourmenter leur paisible vie. Depuis la Turquie, ils avaient tenté plusieurs fois la traversée périlleuse pour entrer en Grèce.

Malak, treize ans, a été le premier à passer la frontière marquée par le fleuve Evros. Mais Fewaz, sa femme et leurs deux autres enfants n'ont pas eu cette chance en mer. Ils avaient remis toutes leurs économies d'une vie pour tenter la traversée périlleuse de la Méditerranée. Ils ont été refoulés par les gardes-côtes grecs.

Lors de leur sixième tentative, le reste de la famille a traversé la frontière et le fleuve Evros. Sa femme et ses deux enfants ont rejoint l'Allemagne, mais Fewaz est parti vers Athènes pour retrouver Malak.

«Quand j'ai enfin vu mon père à Athènes, les mots ne suffisent pas pour décrire ma joie », dit Malak. Cependant, l'adolescent était hanté par le fait de perdre à nouveau son père. « Je crains que mon père soit arrêté, que ferais-je sans lui ? »

Jusqu'au regroupement de la famille, Malak et son père restent ensemble et se serrent les coudes. Le garçon apprend à se débrouiller en grec. Et Fewaz commence à s'habituer à la coupe de cheveux de son fils.

Un adolescent en exil

Sauvetage en mer

L'été, avec son beau temps et une mer plus calme, est souvent le théâtre d'une hausse du nombre de personnes risquant leur vie pour traverser la Méditerranée et demander l'asile en Europe. Cette année, les chiffres ont toutefois augmenté dans une proportion stupéfiante. En juin, les opérations de recherche et de sauvetage Mare Nostrum ont permis de retrouver des passagers désespérés au nombre de plus de 750 par jour.

A la fin juin, le photographe du HCR Alfredo D'Amato est monté à bord du San Giorgio, un bâtiment prenant part au volet italien de l'opération navale, afin de recueillir des informations sur le processus de sauvetage - y compris depuis la première observation de bateaux à partir d'un hélicoptère militaire, le transfert des passagers vers de petits bateaux de sauvetage puis le vaisseau de la marine et, enfin, leur retour sur la terre ferme dans les Pouilles, en Italie.

Le 28 juin en l'espace de six heures seulement, l'équipage a porté secours à 1 171 personnes qui se trouvaient à bord de quatre embarcations surchargées. Plus de la moitié sont originaires de la Syrie déchirée par la guerre, avec, pour la plupart, des familles et de grands groupes. D'autres arrivent depuis l'Erythrée, le Soudan, le Pakistan, le Bangladesh, la Somalie et au-delà. Les photos de A. D'Amato et les interviews qui les accompagnent mettent en lumière la vie de ces personnes dont la situation, dans leur pays, était devenue précaire au point de mettre leur vie en péril.

Sauvetage en mer

L'histoire de Jihan

Comme des millions d'autres, Jihan, 34 ans, était prête à tout pour échapper à la guerre sévissant en Syrie et pour mettre sa famille en sécurité. Contrairement à la plupart, Jihan est aveugle.

Il y a neuf mois, elle a fui Damas avec Ashraf, son mari âgé de 35 ans, qui est également en train de perdre la vue. Avec leurs deux fils, ils se sont rendus en Turquie par la mer Méditerranée, à bord d'un bateau avec 40 autres personnes. Ils espéraient que le voyage ne durerait huit heures. Ils n'avaient aucune garantie d'arriver sains et saufs.

Après une périlleuse traversée qui aura duré 45 heures, la famille est enfin arrivée à Milos, une île grecque de la mer Egée, à des kilomètres de la destination qui était prévue. Sans aucun soutien ni aucune assistance, ils ont dû se débrouiller pour se rendre à Athènes.

La police les a détenus pendant quatre jours à leur arrivée. On leur a demandé de rester hors d'Athènes, ainsi que trois autres villes grecques, en les laissant à l'abandon.

Démunis et épuisés, la famille a été contrainte de se séparer. Ashraf est parti vers le nord en quête d'asile et Jihan s'est rendue à Lavrion avec ses deux enfants, une installation informelle à une heure de route de la capitale grecque.

Aujourd'hui, Jihan est impatiente de retrouver son mari qui, entre temps, a obtenu le statut de réfugié au Danemark. La chambre qu'elle partage avec ses deux fils, Ahmed, 5 ans, et Mohammad, 7 ans, est minuscule, et elle s'inquiète pour leur éducation. Sans greffe de la cornée, une chirurgie très complexe dont elle a besoin d'urgence, son oeil gauche se fermera à jamais.

« Nous sommes venus ici en quête d'une vie meilleure et pour trouver des personnes qui seraient plus à même de comprendre notre situation », explique-t-elle d'un air triste. « Je suis tellement en colère quand je vois qu'ils ne comprennent pas. »

L'histoire de Jihan