Le nombre d'Érythréens demandeurs d'asile en Europe bondit par rapport à l'année dernière

Articles d'actualité, 14 novembre 2014

© HCR
Deux jeunes Érythréens attendent d'embarquer sur un ferry commercial sur l'ile de Samos en Grèce. Un nombre grandissant d'Érythréens demandent l'asile en Europe.

GENÈVE, 14 novembre (HCR) Vendredi, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés a annoncé que le nombre de demandeurs d'asile érythréens en Europe au cours des dix premiers mois de cette année avait triplé par rapport à la même période en 2013. En Éthiopie et au Soudan, pays voisins de l'Érythrée, le nombre de réfugiés érythréens a aussi fortement augmenté.

« Cette année et jusqu'à maintenant, près de 37 000 Érythréens ont cherché refuge en Europe, par rapport à presque 13 000 pour la même période l'année dernière. La plupart des demandes d'asile ont été déposées en Suède, en Allemagne et en Suisse; la vaste majorité des Érythréens ont traversé la Méditerranée en bateau », a dit le porte-parole du HCR, Adrian Edwards, devant des journalistes à Genève.

« Notre bureau en Italie signale que 22 pour cent des personnes arrivant par bateau sont érythréennes; le total cette année est de près de 34 000 personnes. Cela fait des Érythréens le deuxième groupe en importance à arriver en Italie par bateau, après les Syriens », a-t-il ajouté.

La plupart des Érythréens arrivant en Europe ont transité par l'Éthiopie et le Soudan. Ces pays ont aussi enregistré une augmentation spectaculaire du nombre d'arrivants, y compris de nombreux enfants non accompagnés. Plus de 5 000 Érythréens sont arrivés en Éthiopie rien que le mois dernier, par rapport à une moyenne de 2 000 arrivants par mois depuis le début de l'année.

Environ 90 pour cent de ceux qui sont arrivés en octobre ont entre 18 et 24 ans. Soixante-dix-huit enfants sont arrivés par eux-mêmes, c'est-à-dire sans qu'un membre adulte de leur famille les accompagne. La tendance semble se poursuivre : plus de 1 200 Érythréens sont arrivés en Éthiopie pendant la première semaine de novembre.

« Au Soudan, nous avons aussi constaté une augmentation notable du nombre d'arrivants depuis le début de 2014. Cette année, plus de 10 700 Érythréens ont cherché refuge au Soudan, ce qui représente une moyenne de plus de 1 000 arrivants par mois », a dit Adrian Edwards.

On compte actuellement plus de 216 000 réfugiés érythréens en Éthiopie et au Soudan, pays qui accueillent des exilés érythréens depuis plus de 40 ans. Les Érythréens ont commencé à arriver en Éthiopie en 2002, après la fin du conflit entre les deux pays. Les derniers arrivants ont dit qu'une campagne de recrutement intensifié dans le service national obligatoire et, souvent, extensible les avait incités à fuir.

De plus en plus de réfugiés en Éthiopie et au Soudan, des jeunes principalement, sont frustrés par le manque de services et l'absence de possibilités d'autonomie dans les camps. Le faible financement du programme de réfugiés érythréens dans les deux pays ne permet pas aux réfugiés de recevoir une éducation secondaire et postsecondaire, de suivre une formation professionnelle ou de trouver un emploi.

Privés de perspectives d'un avenir meilleur et sentant qu'ils n'ont rien à perdre, de nombreux réfugiés sont des proies faciles pour les passeurs sans scrupules; ils mettent leur vie en danger en essayant de traverser la Méditerranée sur des embarcations surpeuplées et peu sûres.

« Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que les réfugiés qui passent en Éthiopie essaieront un jour de continuer leur voyage », a dit Mr. Edwards. « Il faut donner la chance aux réfugiés de recevoir une éducation et de gagner leur vie dans les pays voisins de l'Érythrée, afin d'empêcher les gens de continuer leur voyage simplement par désespoir », a-t-il ajouté.

Parallèlement, a-t-il noté, le HCR appelle l'Europe à redoubler d'efforts pour fournir aux réfugiés d'autres choix que des voyages périlleux; des choix crédibles et légaux pour protéger les personnes contre les risques qu'elles courent en voyageant avec des passeurs.

La réponse collective doit permettre la mise en œuvre d'une forte capacité pour le sauvetage en mer et de moyens plus sûrs afin que les réfugiés puissent trouver la sécurité, y compris des dispositifs visant à favoriser la réinstallation, d'autres formes d'admission pour des motifs humanitaires et des programmes de parrainage privé. Le HCR exhorte aussi les gouvernements européens à faire davantage afin de faciliter la réunification des familles et à utiliser des programmes comme les programmes de visas d'étudiants ou de travail pour aider les réfugiés.

Pendant les 10 premiers mois de 2014, un total de 36 678 Érythréens ont trouvé refuge dans 38 pays européens, par rapport à 12 960 pendant la même période l'année dernière. La plupart des demandes d'asile ont été présentées en Suède (9 531), en Allemagne (9 362), en Suisse (5 652) et aux Pays-Bas (4 113). En Italie, cette année et jusqu'à maintenant, les autorités ont enregistré 342 demandes d'asile déposées par des Érythréens.

Le Soudan est la principale terre d'asile pour les Érythréens; le pays comptait 109 594 réfugiés érythréens à la fin d'octobre 2014. Le nombre de nouveaux arrivants depuis le début de l'année est de 10 701; 1 259 réfugiés sont arrivés en octobre. La plupart des réfugiés vivent dans des camps situés dans la région aride à l'est du pays (Gaderef et Kassala); un petit nombre de réfugiés résident dans la capitale, Khartoum.

L'Éthiopie est le deuxième pays d'asile en importance pour les Érythréens; le pays accueillait 106 859 réfugiés érythréens, dont 1 591 enfants non accompagnés, à la fin d'octobre.

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Un adolescent en exil

Comme tous les pères avec leurs fils, Fewaz et Malak ont parfois du mal à coexister. Une nouvelle coupe de cheveux et une cigarette en cachette peuvent déjà créer des tensions dans le petit appartement qui est leur chez-soi. Malgré cela, un lien puissant les unit : ces réfugiés syriens ont été bloqués pendant près d'un an dans un quartier pauvre d'Athènes.

Ils avaient auparavant fui leur maison avec le reste de la famille durant l'été 2012, après que la guerre ait commencé à tourmenter leur paisible vie. Depuis la Turquie, ils avaient tenté plusieurs fois la traversée périlleuse pour entrer en Grèce.

Malak, treize ans, a été le premier à passer la frontière marquée par le fleuve Evros. Mais Fewaz, sa femme et leurs deux autres enfants n'ont pas eu cette chance en mer. Ils avaient remis toutes leurs économies d'une vie pour tenter la traversée périlleuse de la Méditerranée. Ils ont été refoulés par les gardes-côtes grecs.

Lors de leur sixième tentative, le reste de la famille a traversé la frontière et le fleuve Evros. Sa femme et ses deux enfants ont rejoint l'Allemagne, mais Fewaz est parti vers Athènes pour retrouver Malak.

«Quand j'ai enfin vu mon père à Athènes, les mots ne suffisent pas pour décrire ma joie », dit Malak. Cependant, l'adolescent était hanté par le fait de perdre à nouveau son père. « Je crains que mon père soit arrêté, que ferais-je sans lui ? »

Jusqu'au regroupement de la famille, Malak et son père restent ensemble et se serrent les coudes. Le garçon apprend à se débrouiller en grec. Et Fewaz commence à s'habituer à la coupe de cheveux de son fils.

Un adolescent en exil

Sauvetage en mer

L'été, avec son beau temps et une mer plus calme, est souvent le théâtre d'une hausse du nombre de personnes risquant leur vie pour traverser la Méditerranée et demander l'asile en Europe. Cette année, les chiffres ont toutefois augmenté dans une proportion stupéfiante. En juin, les opérations de recherche et de sauvetage Mare Nostrum ont permis de retrouver des passagers désespérés au nombre de plus de 750 par jour.

A la fin juin, le photographe du HCR Alfredo D'Amato est monté à bord du San Giorgio, un bâtiment prenant part au volet italien de l'opération navale, afin de recueillir des informations sur le processus de sauvetage - y compris depuis la première observation de bateaux à partir d'un hélicoptère militaire, le transfert des passagers vers de petits bateaux de sauvetage puis le vaisseau de la marine et, enfin, leur retour sur la terre ferme dans les Pouilles, en Italie.

Le 28 juin en l'espace de six heures seulement, l'équipage a porté secours à 1 171 personnes qui se trouvaient à bord de quatre embarcations surchargées. Plus de la moitié sont originaires de la Syrie déchirée par la guerre, avec, pour la plupart, des familles et de grands groupes. D'autres arrivent depuis l'Erythrée, le Soudan, le Pakistan, le Bangladesh, la Somalie et au-delà. Les photos de A. D'Amato et les interviews qui les accompagnent mettent en lumière la vie de ces personnes dont la situation, dans leur pays, était devenue précaire au point de mettre leur vie en péril.

Sauvetage en mer

L'histoire de Jihan

Comme des millions d'autres, Jihan, 34 ans, était prête à tout pour échapper à la guerre sévissant en Syrie et pour mettre sa famille en sécurité. Contrairement à la plupart, Jihan est aveugle.

Il y a neuf mois, elle a fui Damas avec Ashraf, son mari âgé de 35 ans, qui est également en train de perdre la vue. Avec leurs deux fils, ils se sont rendus en Turquie par la mer Méditerranée, à bord d'un bateau avec 40 autres personnes. Ils espéraient que le voyage ne durerait huit heures. Ils n'avaient aucune garantie d'arriver sains et saufs.

Après une périlleuse traversée qui aura duré 45 heures, la famille est enfin arrivée à Milos, une île grecque de la mer Egée, à des kilomètres de la destination qui était prévue. Sans aucun soutien ni aucune assistance, ils ont dû se débrouiller pour se rendre à Athènes.

La police les a détenus pendant quatre jours à leur arrivée. On leur a demandé de rester hors d'Athènes, ainsi que trois autres villes grecques, en les laissant à l'abandon.

Démunis et épuisés, la famille a été contrainte de se séparer. Ashraf est parti vers le nord en quête d'asile et Jihan s'est rendue à Lavrion avec ses deux enfants, une installation informelle à une heure de route de la capitale grecque.

Aujourd'hui, Jihan est impatiente de retrouver son mari qui, entre temps, a obtenu le statut de réfugié au Danemark. La chambre qu'elle partage avec ses deux fils, Ahmed, 5 ans, et Mohammad, 7 ans, est minuscule, et elle s'inquiète pour leur éducation. Sans greffe de la cornée, une chirurgie très complexe dont elle a besoin d'urgence, son oeil gauche se fermera à jamais.

« Nous sommes venus ici en quête d'une vie meilleure et pour trouver des personnes qui seraient plus à même de comprendre notre situation », explique-t-elle d'un air triste. « Je suis tellement en colère quand je vois qu'ils ne comprennent pas. »

L'histoire de Jihan