Une unité d'enregistrement mobile délivre des cartes d'identité dans des zones de conflit en Colombie

Articles d'actualité, 28 mai 2009

© HCR/M.-H.Verney
Une employée du HCR enregistre les empreintes digitales d'un déplacé colombien dans le cadre du programme visant à délivrer des documents d'identité dans le Canyon de las Hermosas.

CANYON DE LAS HERMOSAS, Colombie, 28 mai (HCR) Agée de 75 ans, Delsabé Suso Sanchez a reçu sa première carte d'identité la semaine dernière, grâce au programme financé par le HCR visant à délivrer des documents d'identité.

Auparavant Delsabé Suso Sanchez n'avait même jamais reçu un certificat de naissance. Pour l'Etat, elle n'existait juridiquement pas. Elle est née dans le Canyon de Las Hermosas, une région montagneuse de la Colombie qui a subi l'influence de la guérilla durant des décennies. A cause du conflit, des institutions de l'Etat n'avaient pas accès à cette région rurale et sous-développée et ne pouvaient pas garantir les droits et les services essentiels.

Début mai, une unité mobile du Bureau national d'enregistrement, accompagnée par le HCR, est entrée dans le Canyon de Las Hermosas pour la première fois au début d'un programme de délivrance de documents d'identité prévu pour durer un mois et actuellement en cours.

« Notre présence est le symbole de la neutralité internationale qui aide des organisations gouvernementales à se rendre auprès de chaque citoyen, y compris de ceux qui vivent dans des régions âprement disputées », a expliqué Jean-Noël Wetterwald, le délégué du HCR en Colombie.

Plus de 700 000 cartes d'identité ont été délivrées depuis 2004, date à laquelle le HCR a entamé sa coopération avec le Service pour l'attention aux populations vulnérables. Avec sept unités mobiles opérant dans les régions les plus difficiles et les plus isolées du pays, le service se rend auprès des populations les plus vulnérables, y compris des personnes déplacées et celles qui sont menacées de déplacement, ainsi que des communautés indigènes.

Les sept unités mobiles pour l'enregistrement sont chacune équipées d'ordinateurs, de lecteurs d'empreintes digitales, d'appareils photo et d'une antenne satellite permettant à l'unité de se connecter à la base de données nationale à Bogota. Le projet fait partie d'un effort national significatif visant à garantir, dans le cadre de la constitution, le droit à l'identité juridique pour chaque citoyen. Ainsi que les droits juridiques et l'accès aux services essentiels, les documents d'identité peuvent devenir une question de vie ou de mort dans des zones de conflit.

« Si vous n'avez pas de carte d'identité, vous êtes un suspect pour tout le monde », a expliqué un homme, tout en attendant sa carte dans la petite chapelle de La Virginia, où l'équipe d'enregistrement s'est installée pour une journée. Il a quitté sa ferme à l'aube pour sept heures de marche vers la chapelle, avec ses cinq enfants, sa femme et son père âgé. Personne dans la famille n'avait auparavant de certificat de naissance, et il a été soulagé de pouvoir enregistrer ses trois fils âgés de 14, 12 et 10 ans.

« Sans documents, ils n'existent pas juridiquement. S'ils sont enlevés, nous n'aurons jamais la capacité de prouver leur existence même », a-t-il dit. Le recrutement forcé est une crainte omniprésente pour les familles dans cette région. Nombre d'entre elles préfèrent fuir et rejoindre les rangs de l'importante population déplacée du pays plutôt que de vivre sous la menace de perdre leurs enfants. Dans certains cas, les documents d'identité peuvent apporter une certaine forme de protection.

Le succès de cette opération dépend grandement de la coopération avec la communauté locale. La procédure peut s'avérer longue et difficile. Pour la délivrance des certificats de naissance, la loi requiert la présence de deux témoins qui ont déjà eux-mêmes des cartes d'identité. C'est une condition requise relativement simple, mais elle peut créer des problèmes dans les communautés où très peu de personnes disposent de papiers d'identité.

« Notre objectif est de délivrer de façon accélérée des documents d'identité aux populations extrêmement vulnérables et nous essayons d'être aussi flexibles que possible tout en respectant la loi », a expliqué Edisson Stevens Chavarro qui travaille au bureau national pour l'enregistrement. « Nous savons que les personnes que nous n'enregistrons pas aujourd'hui pourraient ne pas avoir à nouveau l'opportunité d'ici longtemps de recevoir des documents d'identité. »

Après une matinée d'attente, Delsabé Suso Sanchez, âgée de 75 ans, est sortie de la chapelle avec son certificat de naissance, sa première carte d'identité et même des nouvelles qu'elle n'espérait plus. L'équipe d'enregistrement a pu vérifier que ses deux fils, dont elle a perdu tout contact, sont vivants. Ils ont fui le Canyon il y a 18 ans après avoir reçu des menaces de mort. Ils n'ont jamais pu y revenir et ils n'ont envoyé aucune nouvelle depuis lors.

Par Marie-Hélène Verney à Canyon de las Hermosas, Colombie

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