L’histoire de Sandrine, Maroc

Photo de A. Al Achi/2014.

Photo de A. Al Achi/2014.

Vivre à quatre dans un six mètres carré. Dans un sous-sol sans fenêtres. Et dans l’humidité. C’est le quotidien de Sandrine*, de Nicole* et de leurs bébés.

“En arrivant au Maroc, je ne connaissais personne. J’ai partagé un logement avec neuf hommes mais ils voulaient tous coucher avec moi. Je me suis rendue au centre de Caritas et c’est là que j’ai connu le papa de mon bébé. Je me suis mise avec lui par nécessité. Il m’a quittée lorsqu’il a su que j’étais enceinte et je me suis retrouvée à nouveau dans la rue. J’ai finalement trouvé cette chambre que je partage aujourd’hui avec Nicole, une autre réfugiée ivoirienne”, raconte Sandrine.

Les deux femmes ivoiriennes vivent dans une des cinq chambres d’un appartement qu’elles partagent avec d’autres réfugiés et migrants subsahariens, dans un quartier populaire à la périphérie de Rabat.

“Ici, nous partageons tous les mêmes toilettes : un trou par terre et une douche suspendue, sans lumière et que de l’eau froide, hiver comme été. Les murs de notre pièce transpirent et moisissent à cause de l’humidité. Nos bébés sont souvent enrhumés, l’air et le soleil ne rentrent pas dans la chambre. C’est très difficile mais on fait avec”, raconte Sandrine.

Sandrine est fille unique. Ses parents se sont séparés alors qu’elle avait 12 ans. Elle vivait avec sa mère dans un quartier précaire de Yopougon, une commune à l’ouest d’Abidjan, la capitale de la Côte d’Ivoire. Après l’arrestation du président en avril 2011, les combats se sont intensifiés dans son quartier.

“Ma mère m’a obligée à m’enfuir. Elle disait qu’elle était très vieille mais qu’il fallait que je me sauve le plus vite possible. J’avais très peur. Les roquettes perforaient les murs des maisons. Je ne savais pas où aller et je ne supportais pas l’idée de laisser ma mère derrière moi. Je suis partie en minibus jusqu’à Treichville, puis j’ai pris le bus pour le Ghana. J’ai dormi trois jours dans une gare avant de retrouver d’autres réfugiés qui prenaient la fuite. J’ai dépensé toutes mes économies dans le transport et les pots de vin, avant d’arriver dans un camp de réfugié au Togo.”

“Je pensais que le plus difficile était déjà derrière moi. Mais la violence nous a suivi jusqu’au Togo. Le camp s’est petit à petit divisé en deux clans, les pro-Ouattara et les pro-Gbagbo. Il y avait de plus en plus de tensions et de conflits. Je ne me sentais plus en sécurité. J’ai dû reprendre la fuite au bout de six mois.”

“Avec un groupe d’Ivoiriens, nous sommes passés par le Bénin puis le Niger, et en route pour l’Algérie, nous avons été agressés par des bandits. Ils nous ont couchés à plat ventre sur le sol, les fusils sur nos têtes. Ils ont tout pris. Argent, vêtements, sacs, tout ce qu’ils pouvaient prendre. Puis nous ont relâchés. J’étais terrorisée. On passait des mains d’un passeur à un autre. On a du se cotiser pour pouvoir les payer. On a traversé l’Algérie et nous sommes finalement arrivés à Oujda au Maroc en juillet 2012. Ça a été un très long voyage, j’étais épuisée et je n’avais pas un sou avec moi.”

“La vie au Maroc n’est pas facile non plus. Je me suis déjà faite agressée à trois reprises. On m’a insultée, jetée des cailloux, et même proposée des choses indécentes. Mais je résiste. Et ce qui m’aide à garder espoir c’est mon fils, mon prince, mon trésor.”

“Grâce à l’aide du HCR et de la Fondation Orient Occident, je suis une formation de coiffure et d’esthétique deux fois par semaine. Ce n’est pas nécessairement pour le Maroc que je fais ça. Je le fais pour m’assurer que lorsqu’une opportunité de travail se présente ici ou ailleurs, j’ai un savoir-faire, une compétence professionnelle que je peux utiliser.”

“Je n’étais pas du tout préparée à faire tout ce chemin pour en arriver là. Je rêve de liberté et de tranquillité. Je voudrais pouvoir gagner ma vie pour assurer un meilleur avenir à mon fils. C’est en lui que je puise ma force et mon courage.”

 

*Nom fictif pour des raisons de protection

 


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