Apatridie : les espoirs de citoyenneté d'un demandeur d'asile rom bientôt comblés

Articles d'actualité, 5 décembre 2011

© HCR/M. Jasarevic
Un chargé de protection du HCR salue un jeune Rom dans une installation à Sarajevo.

SARAJEVO, Bosnie-Herzégovine, 30 novembre (HCR) Muqishta Nuqi s'est longtemps senti comme un intrus au sein même de sa famille. Pendant des années, cet homme d'ethnie rom, n'a pas eu de nationalité et il a vécu sous la menace d'être expulsé de Bosnie-Herzégovine, son pays d'accueil depuis près de 20 ans.

Mais la détermination de ce demandeur d'asile pour devenir citoyen bosnien comme ses parents ainsi que ses frères et sœurs n'a jamais failli et sa persévérance paie. Après des efforts soutenus de Nuqi et du HCR, le Gouvernement bosnien a récemment accordé un permis de séjour temporaire à cet homme de 35 ans et à ses enfants, sur la base de sa propriété à Sarajevo.

Il peut donc résider légalement dans le pays, mais il doit solliciter chaque année un permis de séjour temporaire, ce qui ne lui garantit aucun droit fondamental comme les soins de santé et les aides financières. Après trois ans, il peut demander la citoyenneté bosnienne et les nombreux droits afférents.

Le succès de Nuqi est une exception, mais la loi bosnienne sur la citoyenneté est en cours de modification et le HCR espère que des centaines d'autres familles vulnérables pourront en bénéficier prochainement et se voir reconnaître la citoyenneté de ce pays déchiré par le conflit des années 90 dans le contexte du démantèlement de l'ex-Yougoslavie.

Sa famille était originaire de Djakova dans l'ouest du Kosovo, mais ils sont venus à Sarajevo, la capitale de la Bosnie-Herzégovine, alors qu'il était encore enfant. Il a connu une enfance heureuse dans cette ville entourée de collines, bien qu'il n'ait jamais été enregistré comme résident, contrairement aux autres membres de sa famille.

En 1992, la guerre totale a de nouveau atteint les Balkans pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale et Nuqi a fui au Kosovo avec sa mère ainsi que plusieurs frères et sœurs. Le reste de la famille est restée à Sarajevo où l'oncle de Nuqi a été tué dans les combats.

Mais, quelques années plus tard, le Kosovo a été également entraîné dans les violences et les persécutions qui n'ont cessé qu'avec les bombardements de l'OTAN (Organisation de l'Alliance du Traité Nord-Atlantique) de mars-juin 1999 contre des cibles du Gouvernement yougoslave. Contraints de quitter leur foyer par des combattants paramilitaires, Nuqi et sa famille sont retournés en Bosnie où il s'est vu accorder un statut de séjour temporaire comme les autres Roms fuyant le Kosovo. Cela leur ouvrait l'accès à une assistance, à un hébergement, à l'éducation et aux soins de santé.

Il a rejoint sa famille dans une installation rom à Sarajevo dans laquelle il vit depuis lors et où il a acheté une propriété. Il gagne correctement sa vie grâce à la récupération et à la revente de déchets.

Mais la vie de Nuqi a de nouveau été marquée par l'incertitude en 2007 lorsqu'il a risqué d'être expulsé vers le Kosovo son dernier lieu de séjour enregistré et d'être ainsi séparé de sa famille, après la révocation de son statut de séjour temporaire par le gouvernement. En 2009, il a déposé une demande d'asile. Cette demande ayant été rejetée, il a contacté le HCR pour être aidé dans ses démarches.

« Je n'ai personne au Kosovo. Mes parents, mes frères et sœurs et mes proches sont tous citoyens de Bosnie-Herzégovine. Six de mes [neuf] enfants sont nés ici et vont à l'école ici. J'y ai construit ma maison de mes propres mains et j'y ai toujours respecté la loi », a-t-il déclaré au HCR. « Mon souhait le plus cher est d'être reconnu citoyen de ce pays », a-t-il ajouté.

Cela n'a pas été évident de contester la décision du gouvernement parce que, comme d'autres Roms dans une situation similaire, il ne résidait pas dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile et il ne bénéficiait donc pas d'un soutien juridique ou financier du gouvernement. En outre, il n'avait légalement pas le droit de travailler, bien que ce soit essentiel pour entretenir sa famille.

Mais Nuqi était déterminé et, bien qu'illettré et incapable de lire, il a dépensé beaucoup de temps, d'efforts et d'argent pour collecter et remplir des documents afin d'étayer sa demande de séjour et de citoyenneté en Bosnie et de montrer qu'il respectait scrupuleusement les lois du pays où il réside et qu'il méritait cette reconnaissance.

Il a été soutenu dans ses efforts par le HCR et le Conseil de l'Europe, dont il avait rencontré, un an auparavant, le Commissaire aux droits de l'homme, Thomas Hammarberg. Ce dernier était intervenu auprès du Gouvernement bosnien pour qu'il s'efforce de trouver des solutions durables pour les déplacés, y compris par l'intégration sur place.

« Une attention particulière devrait être accordée aux Roms qui sont déplacés depuis le Kosovo et qui vivent depuis plusieurs années en Bosnie-Herzégovine avec leurs familles. Le retour n'est pas une véritable option pour eux. Ils ont toujours besoin d'une protection internationale », avait déclaré l'humanitaire suédois.

Les signes de changement sont positifs. Au début du mois, à Belgrade, les gouvernements de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, du Monténégro et de Serbie ont adopté un programme de travail fixant des étapes concrètes pour lever tous les obstacles à une solution durable pour les réfugiés qui restent suite au conflit des Balkans des années 1991-95. Parmi ces mesures, figure la délivrance rapide de documents d'état civil permettant aux personnes de jouir de leurs droits et de mener une vie normale.

En Bosnie, le ministre des affaires civiles a commencé à rédiger des propositions d'amendements à la loi sur la citoyenneté pour faciliter l'accès à la nationalité pour les réfugiés et les apatrides.

Naveed Hussain, Représentant du HCR en Bosnie-Herzégovine, a affirmé qu'il espérait que la loi contribuerait à améliorer la vie de nombreuses personnes confrontées au risque d'un nouveau déplacement bien qu'elles habitent depuis longtemps en Bosnie et y aient des liens familiaux forts. « M. Nuqi et les personnes dans son cas devraient pouvoir devenir des citoyens bosniens et rester ici de façon permanente », a-t-il souligné.

Par Eoin Ansbro et Miradije Hod?a à Sarajevo, Bosnie-Herzégovine

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La célèbre actrice a été émue par la force - et par les souffrances - des personnes qu'elle a rencontrées et elle s'est engagée à attirer l'attention sur leur sort. La plupart des personnes avec lesquelles elle s'est entretenue vivent en exil depuis la fin du conflit de 1992-95. Angelina Jolie s'est rendue dans des centres collectifs dans les villes de Gorazde et Rogatica, où les habitants manquent de services basiques comme l'eau courante.

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À Sri Lanka, le pittoresque « pays des collines » est parsemé de centaines de plantations de thé. La plupart des gens qui y travaillent sont des descendants de Tamouls venus d'Inde entre 1820 et 1840, à l'époque où l'île était une colonie britannique. Les « Tamouls des collines » ont contribué, dans des proportions considérables, à la prospérité économique de Sri Lanka pendant près de deux siècles ; pourtant, jusqu'à une époque très récente, la législation draconienne du pays sur la nationalité rendait leur accession à la citoyenneté presque impossible. Dépourvus de papiers, ils ne pouvaient voter, travailler dans la fonction publique, ouvrir un compte en banque ou voyager librement.

Par le passé, les Tamouls des collines ont fait l'objet d'un certain nombre d'accords bilatéraux qui leur donnaient la possibilité d'opter pour la nationalité sri-lankaise ou la nationalité indienne. Cependant, selon les estimations, il y avait encore 300 000 apatrides d'origine indienne dans l'île en 2003.

La situation s'est très sensiblement améliorée lorsque le Parlement a voté, en octobre de la même année, une loi accordant la nationalité aux personnes d'origine indienne établies à Sri Lanka depuis 1964, ainsi qu'à leurs descendants. Le HCR, les pouvoirs publics et des organisations locales ont mené une campagne pour informer les Tamouls des collines de la publication de la loi et des démarches à accomplir pour acquérir la nationalité. À la fin de l'année 2003, plus de 190 000 apatrides ont obtenu la nationalité sri-lankaise en dix jours - une extraordinaire réussite, qui s'inscrit dans l'effort mené à l'échelle mondiale pour réduire les cas d'apatridie.

De plus, en 2009, le parlement a amendé la réglementation existante, afin d'accorder la nationalité aux personnes qui se sont réfugiées en Inde pour échapper au conflit qui sévissait à Sri Lanka et qui vivent actuellement dans des camps. Il est donc plus facile aux réfugiés de regagner leur pays s'ils le souhaitent.

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