L'attente en Indonésie

Articles d'actualité, 30 octobre 2013

© HCR/V.Tan
Une employée du HCR s'entretient avec de jeunes demandeurs d'asile hébergés dans un centre pour mineurs non accompagnés à Djakarta, en Indonésie.

DJAKARTA, Indonésie, 30 octobre (HCR) Le téléphone d'Ardi Sofinar sonne sans arrêt. Celui-ci répond calmement et patiemment à tous les appels, même au milieu de la nuit. « Les réfugiés et les demandeurs d'asile appellent quand il y a des problèmes ou des différends », explique cet employé du HCR en charge de la protection à Medan, en Indonésie. « Ils appellent car ils sont convaincus que nous pourrons les aider. »

Ardi Sofinar est l'un des quatre employés du HCR basés à Medan, un bureau qui couvre une importante zone géographique avec plus de 1 100 demandeurs d'asile et réfugiés. L'agence dispose désormais de six bureaux de terrain dans l'archipel indonésien pour aider un nombre croissant de personnes en quête de sécurité après avoir fui le conflit ou la persécution dans leur pays d'origine. Certains arrivants se trompent sur l'Indonésie qu'ils considèrent comme un point de départ facile vers l'Australie. En fait, ils risquent leur vie sur des bateaux de passeurs qui, trop souvent, chavirent en route.

Ces cinq dernières années, le HCR a vu le nombre de réfugiés et de demandeurs d'asile contactant le HCR en Indonésie se multiplier par 18 depuis 385 en 2008 à 7 218 l'année dernière une tendance qui met à rude épreuve les capacités de traitement des dossiers de demandes d'asile. On compte actuellement plus de 2 300 réfugiés et plus de 7 600 demandeurs d'asile dans le pays.

« En Indonésie, le HCR prend en charge le traitement des demandes d'asile en l'absence d'un cadre juridique national qui serait à même de le faire », explique Manuel Jordao, Représentant du HCR en Indonésie. « Nous avons étendu notre capacité en réponse au nombre croissant de demandes, mais nous ne sommes pas en mesure d'atteindre celle qui pourrait être mise en œuvre par les autorités d'un pays. »

A Djakarta et dans six bureaux de terrain, le personnel du HCR enregistre les arrivants qui souhaitent déposer une demande d'asile, mène les entretiens de de détermination du statut de réfugié et recherche des solutions pour les réfugiés. Les employés du HCR s'emploient également à alerter les personnes sur le recours à des bateaux de passeurs ou tout autre moyen de transport clandestin qui pourraient menacer leur vie et celle de leur famille.

Les clandestins qui sont interceptés à l'entrée ou à la sortie du territoire indonésien sont mis en détention dans des centres de rétention d'immigrés qui sont gérés par les autorités indonésiennes.

Au centre de détention de Belawan, l'un des 13 centres où sont détenus des réfugiés et des demandeurs d'asile à travers le pays, les prisonniers partagent des cellules qui sont fermées entre 22h et 10h du matin. Durant la journée, ils peuvent sortir pour regarder la télévision et ils font la cuisine pour tout le monde chacun à leur tour. Les conditions de surpopulation sont un problème constant. En avril de cette année, des violences ont éclaté entre deux groupes du Myanmar, ce qui a causé la mort de huit personnes. Depuis, les cellules ont été réparées mais certains détenus restent traumatisés.

« J'ai peur des violences. J'ai quitté Sri Lanka à cause des violences et voilà que j'y suis confronté ici aussi », explique Siva*, un réfugié tamil qui prie pour être libéré bientôt. Le HCR plaide auprès des autorités pour la libération de tous les demandeurs d'asile et des réfugiés et qu'ils soient hébergés dans des centres d'hébergement communautaires par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les personnes vulnérables comme les femmes, les enfants et les personnes âgées sont prioritaires pour la libération.

Hussein* a fui l'Afghanistan vers l'Iran et, après 15 ans, il est arrivé en Indonésie avec sa femme et ses deux enfants. Ils vivent dans un centre d'hébergement près de Medan depuis près d'un an et ils reçoivent de l'OIM une allocation mensuelle qui leur permet de survivre.

« Nos principales dépenses sont les courses d'alimentation et les achats pour les enfants », explique Hussein, âgé de 30 ans. « Nous cuisinons pour nous-mêmes et nous pouvons nous déplacer librement. Auparavant, j'allais à des cours d'anglais et d'informatique, mais maintenant le professeur vient ici deux fois par semaine. »

La vie quotidienne est plus facile hors du centre de détention, toutefois, beaucoup ne savent pas de quoi leur avenir sera fait. Nadir*, âgé de 16 ans, vit, depuis le mois d'avril dernier, dans un centre d'hébergement pour les mineurs non accompagnés qui se situe au sud de Djakarta. Géré par Church World Service avec l'appui du HCR, l'environnement calme et protecteur de ce centre contraste avec la vie mouvementée des jeunes réfugiés et demandeurs d'asile qui s'y trouvent.

Il y a cinq ans, Nadir a fui l'Afghanistan pour rejoindre Quetta, au Pakistan. Il est devenu le chef de sa famille après le décès de son père et de son frère. D'origine hazara, il a fait des petits boulots pour subvenir aux besoins de sa mère, de sa belle-sœur et de ses trois enfants. Toutefois, 18 mois après, il est parti en Iran pour échapper à une montée de la violence contre les musulmans chiites.

Trois ans plus tard, il a été expulsé par l'Iran vers l'Afghanistan. Il est retourné au Pakistan pour constater que sa famille avait été réinstallée en Australie. Un ami de la famille a payé pour qu'il puisse effectuer la traversée depuis le Pakistan vers l'Indonésie à bord d'un bateau de passeurs. En Indonésie, il devait prendre un bateau pour l'Australie.

« L'Australie demande : Pourquoi resquillez-vous pour entrer sur notre territoire ? Mais ils ne savent pas que la file d'attente est très longue », explique Nadir. « On veut tous effectuer ce voyage, il y a quelque chose qui nous y oblige. Mais nous sommes traités comme des criminels. Ils ne voient pas ce qui se passe de l'autre côté. »

Durant des moments difficiles à Djakarta, l'adolescent n'a plus voulu prendre le bateau et il s'est rendu au centre d'hébergement pour demander de l'aide. Il est impatient de discuter de sa demande d'asile auprès du HCR et il espère qu'il sera reconnu en tant que réfugié pour pouvoir enfin retrouver sa famille en Australie.

Pour de nombreux réfugiés qui ne peuvent pas rentrer chez eux par crainte des persécutions, la réinstallation dans un pays tiers parait être la bonne solution pour l'instant. Mais l'attente est longue et il y a un nombre très limité de places mises à disposition par les pays de réinstallation. Le HCR soumet des candidatures pour les cas les plus vulnérables.

Près de Medan, Hussein et sa famille espèrent de bonnes nouvelles. Ils ont passé un entretien avec les autorités australiennes pour une réinstallation potentielle. « Je sais que l'Australie est un pays multiculturel, il n'y a pas de discrimination », déclare Hussein. « Mes enfants auront une bonne éducation. Peut-être que je pourrai aussi retrouver du travail. »

Le HCR a toujours préconisé des solutions plus rapides pour les réfugiés que ce soit la réinstallation, davantage d'opportunités dans les pays d'accueil ou le retour volontaire lorsque les conditions s'améliorent dans le pays d'origine. En parlant de ces alternatives, Manuel Jordao du HCR a déclaré : « Après toutes les épreuves qu'ils ont traversées, il serait déraisonnable de les laisser s'abandonner au désespoir au point qu'ils envisageraient de risquer leur vie sur un bateau de passeurs et de subir l'exploitation. »

*Noms fictifs pour des raisons de protection

Par Vivian Tan

A Djakarta, Indonésie

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