Des enfants réfugiés nigérians séparés de leur famille dans leur ruée désespérée vers la sécurité

La parole aux réfugiés, 5 février 2015

© HCR/M. Farman Farmaian
Parmi les milliers de Nigérians ayant fui au Tchad figurent des enfants séparés de leur famille. Ils sont souvent traumatisés et ont besoin de soins particuliers et de temps pour se remettre.

CAMP DE DAR ES SALAM, Tchad, 4 février (HCR) Depuis que des militants ont attaqué la ville nigériane de Baga il y a un mois, plus de 14 000 personnes ont trouvé la sécurité au Tchad, y compris des centaines d'enfants qui souffrent encore.

De nombreux enfants, comme Ismail, 15 ans, ont été séparés de leurs parents et placés dans des familles d'accueil par le HCR. Ils sont encore hantés par le traumatisme de leur fuite de cette ville située au nord-est de l'Etat de Borno, près du Lac Tchad.

Dans le site de Dar es Salam, que le gouvernement tchadien a alloué pour héberger le nombre croissant de réfugiés nigérians, une douzaine d'enfants sont assis sur une natte à l'ombre d'un acacia. Ils sont arrivés ici il y a trois semaines et n'arrivent pas à oublier le moment où ils ont fui.

« 'Nous fermons l'école, Boko Haram arrive', a hurlé l'enseignant », raconte Ismail. « Puis j'ai entendu des explosions et le bruit des fusils mitrailleurs. Le professeur nous a dit de rentrer immédiatement chez nous ».

Mais pour Ismail et des milliers d'autres, leur maison n'était pas plus sûre. « J'ai couru avec ma mère vers le lac, mais nous ne trouvions pas de canoë [au début]. Je me souviens du bruit des mitraillettes pendant que nous courions au bord du lac. Des corps étaient éparpillés partout ».

L'adolescent a fini par trouver une place à bord d'un bateau et il a mis deux jours pour traverser le lac Tchad. Cela lui a paru une éternité. « J'avais très faim et je ne pouvais pas dormir », dit-il aux visiteurs du HCR. Peu de choses ont changé depuis son arrivée au site. « J'ai toujours faim », se lamente-t-il, en grattant la natte avec un air malheureux.

Comme beaucoup d'autres, la famille d'Ismail a été obligée de fuir dans toutes les directions. Par conséquent, il n'a aucune idée d'où se trouvent sa mère, son père ou ses frères et sœurs. En coopération avec les autorités locales, le HCR surveille les arrivées de réfugiés nigérians par le lac Tchad et les transfère vers le site de Dar es Salam.

Le HCR collabore également étroitement avec la Croix-Rouge du Tchad pour rechercher les familles et réunir les enfants réfugiés séparés avec leurs proches au Tchad.

Dans le site de Dar es Salam, le HCR et ses partenaires fournissent de la nourriture, de l'eau, des abris et des produits domestiques de base aux réfugiés. Tous les réfugiés sont vaccinés, les enfants prennent des suppléments de vitamine A et ceux qui ont des soucis au plan nutritionnel reçoivent des soins adaptés.

« Arrivés au site, le HCR nous a donné du savon et nous a dit que nous devions nous laver les mains régulièrement avec du savon et de l'eau pour rester propres et en bonne santé », déclare Ismail.

Le HCR coopère également avec des partenaires comme le ministère tchadien de l'Education et le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) afin de veiller à ce que les enfants nigérians nouvellement arrivés aient accès à l'éducation au site de Dar es Salam.

Actuellement, 17 000 réfugiés nigérians se trouvent au Tchad, dont 14 000 provenant de l'exode de Baga. Plus de 3 000 vivent dans le site de Dar es Salam.

Aujourd'hui, Ismail vit dans une famille d'accueil, ses anciens voisins. Il doit encore s'habituer à son nouvel environnement. A part sa famille, c'est l'école qui lui manque le plus. « J'aimerais devenir médecin, comme ça je pourrai aider les malades et les blessés dans mon pays », conclut-il.

Par Massoumeh Farman-Farmaian au camp de Dar Es Salam, Tchad

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