Point de vue du HCR : « Réfugié Â» ou « migrant Â» ? Quel est le mot juste ?

Articles d'actualité, 31 août 2015

© UNHCR
Point de vue du HCR : « Réfugié » ou « migrant » – Quel est le mot juste

GENÈVE, 28 août (HCR) Avec près de 60 millions de personnes déplacées par la force à l'échelle mondiale et les traversées par bateau de la Méditerranée qui font les manchettes des journaux presque quotidiennement, il devient de plus en plus usuel de voir les termes « réfugié Â» et « migrant Â» être utilisés de façon interchangeable par les médias et le public. Toutefois, y a-t-il une différence entre les deux termes? Et est-elle importante?

Oui, il existe une différence et elle est importante. Les deux termes ont des significations distinctes et différentes. En les utilisant à tort, on pose des problèmes à ces deux populations. Voici pourquoi :

Les réfugiés sont des personnes qui fuient des conflits armés ou la persécution. Leur situation est souvent si périlleuse et intolérable qu'ils traversent des frontières nationales afin de trouver la sécurité dans des pays voisins, et sont par conséquent reconnus internationalement comme des réfugiés ayant accès à l'aide des États, du HCR et d'autres organisations. On les reconnaît ainsi précisément parce qu'il est dangereux pour eux de retourner dans leur pays et qu'ils ont besoin d'un refuge ailleurs. Refuser l'asile à ces personnes aurait potentiellement des conséquences mortelles.

Le terme réfugié est défini dans la loi internationale et les réfugiés sont protégés par cette dernière. La Convention de 1951 relative aux réfugiés et son protocole de 1967 ainsi que d'autres textes juridiques, comme la convention de l'OUA de 1969 sur les réfugiés, restent les pierres angulaires de la protection moderne des réfugiés. Les principes juridiques que ces documents énoncent ont été intégrés à d'innombrables autres lois et pratiques internationales, régionales et nationales. La Convention de 1951 définit ce qu'est un réfugié et souligne les droits fondamentaux que les États devraient leur garantir. Un des principes les plus fondamentaux énoncés par la loi internationale est celui voulant que les réfugiés ne doivent pas être expulsés ou renvoyés à une situation où leur vie et leur liberté seraient menacées.

La protection des réfugiés revet de nombreux aspects. Ceux-ci comprennent l'assurance de ne pas être renvoyé chez eux face aux dangers qu'ils ont fuis; l'accès à des procédures d'asile justes et efficaces; et des mesures visant à assurer que leurs droits fondamentaux sont respectés afin de leur permettre de vivre dans la dignité et la sécurité tout en les aidant à trouver une solution à long terme. Les États assument la responsabilité principale de cette protection. Par conséquent, le HCR collabore étroitement avec les gouvernements afin de les conseiller et de les appuyer s'il y a lieu pour assumer leurs responsabilités.

Les migrants choisissent de s'en aller non pas en raison d'une menace directe de persécution ou de mort, mais surtout afin d'améliorer leur vie en trouvant du travail, et dans certains cas, pour des motifs d'éducation, de regroupement familial ou pour d'autres raisons. Contrairement aux réfugiés qui ne peuvent retourner à la maison en toute sécurité, les migrants ne font pas face à de tels obstacles en cas de retour. S'ils choisissent de rentrer chez eux, ils continueront de recevoir la protection de leur gouvernement.

Pour les gouvernements, cette distinction est importante. Les pays gèrent les migrants en vertu de leurs propres lois et processus en matière d'immigration. Les pays gèrent les réfugiés en vertu des normes sur la protection des réfugiés et de l'asile aux réfugiés qui sont définies dans les lois nationales et les lois internationales. Les pays ont des responsabilités précises envers les demandeurs d'asile sur leurs territoires et à leurs frontières. Le HCR aide les pays à gérer ces responsabilités en matière d'asile et de protection des réfugiés.

En effet, la politique a sa façon d'intervenir dans de tels débats. La confusion entre les réfugiés et les migrants peut avoir des conséquences graves sur les vies et la sécurité des réfugiés. Interchanger les deux termes détourne l'attention de la protection juridique précise dont les réfugiés ont besoin. Cela peut saper le soutien de la population pour les réfugiés et l'institution de l'asile à un moment où, plus que jamais auparavant, les réfugiés ont besoin d'une telle protection. Nous devons traiter tous les êtres humains avec respect et dignité. De plus, nous devons nous assurer que les droits fondamentaux des migrants sont respectés. Par le fait même, nous devons également agir de façon juridiquement appropriée en ce qui concerne les réfugiés, en raison de leur situation particulière.

Par conséquent, songeons de nouveau à l'Europe et au nombre important de personnes qui sont arrivées au cours de cette année et de l'année dernière par bateau en Grèce, en Italie et ailleurs. Que sont-elles? Des réfugiés ou des migrants?

En réalité, elles appartiennent aux deux groupes. La majorité des personnes arrivant cette année en Italie et en Grèce plus particulièrement, proviennent de pays plongés dans la guerre ou que l'on considère comme des pays produisant des réfugiés, qui ont besoin de la protection internationale. Toutefois, une plus petite proportion provient d'autres pays, et pour nombre d'entre eux, le terme « migrant Â» serait plus exact.

Ainsi, au HCR, nous disons « réfugiés et migrants Â» lorsque nous faisons référence aux mouvements de personnes par voie maritime ou dans d'autres circonstances lorsque nous pensons que les deux groupes peuvent être présents les mouvements par bateau en Asie du Sud-Est sont un autre exemple de ce phénomène. Nous appelons « réfugiés Â» les personnes qui fuient la guerre ou la persécution en franchissant une frontière internationale. Et nous appelons « migrants Â» les personnes qui se déplacent pour des motifs qui ne sont pas inclus dans la définition légale de ce qu'est un réfugié. Nous espérons que d'autres songerons à faire de même. Le choix des mots est important.

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Comme tous les pères avec leurs fils, Fewaz et Malak ont parfois du mal à coexister. Une nouvelle coupe de cheveux et une cigarette en cachette peuvent déjà créer des tensions dans le petit appartement qui est leur chez-soi. Malgré cela, un lien puissant les unit : ces réfugiés syriens ont été bloqués pendant près d'un an dans un quartier pauvre d'Athènes.

Ils avaient auparavant fui leur maison avec le reste de la famille durant l'été 2012, après que la guerre ait commencé à tourmenter leur paisible vie. Depuis la Turquie, ils avaient tenté plusieurs fois la traversée périlleuse pour entrer en Grèce.

Malak, treize ans, a été le premier à passer la frontière marquée par le fleuve Evros. Mais Fewaz, sa femme et leurs deux autres enfants n'ont pas eu cette chance en mer. Ils avaient remis toutes leurs économies d'une vie pour tenter la traversée périlleuse de la Méditerranée. Ils ont été refoulés par les gardes-côtes grecs.

Lors de leur sixième tentative, le reste de la famille a traversé la frontière et le fleuve Evros. Sa femme et ses deux enfants ont rejoint l'Allemagne, mais Fewaz est parti vers Athènes pour retrouver Malak.

«Quand j'ai enfin vu mon père à Athènes, les mots ne suffisent pas pour décrire ma joie », dit Malak. Cependant, l'adolescent était hanté par le fait de perdre à nouveau son père. « Je crains que mon père soit arrêté, que ferais-je sans lui ? »

Jusqu'au regroupement de la famille, Malak et son père restent ensemble et se serrent les coudes. Le garçon apprend à se débrouiller en grec. Et Fewaz commence à s'habituer à la coupe de cheveux de son fils.

Un adolescent en exil

Sauvetage en mer

L'été, avec son beau temps et une mer plus calme, est souvent le théâtre d'une hausse du nombre de personnes risquant leur vie pour traverser la Méditerranée et demander l'asile en Europe. Cette année, les chiffres ont toutefois augmenté dans une proportion stupéfiante. En juin, les opérations de recherche et de sauvetage Mare Nostrum ont permis de retrouver des passagers désespérés au nombre de plus de 750 par jour.

A la fin juin, le photographe du HCR Alfredo D'Amato est monté à bord du San Giorgio, un bâtiment prenant part au volet italien de l'opération navale, afin de recueillir des informations sur le processus de sauvetage - y compris depuis la première observation de bateaux à partir d'un hélicoptère militaire, le transfert des passagers vers de petits bateaux de sauvetage puis le vaisseau de la marine et, enfin, leur retour sur la terre ferme dans les Pouilles, en Italie.

Le 28 juin en l'espace de six heures seulement, l'équipage a porté secours à 1 171 personnes qui se trouvaient à bord de quatre embarcations surchargées. Plus de la moitié sont originaires de la Syrie déchirée par la guerre, avec, pour la plupart, des familles et de grands groupes. D'autres arrivent depuis l'Erythrée, le Soudan, le Pakistan, le Bangladesh, la Somalie et au-delà. Les photos de A. D'Amato et les interviews qui les accompagnent mettent en lumière la vie de ces personnes dont la situation, dans leur pays, était devenue précaire au point de mettre leur vie en péril.

Sauvetage en mer

L'histoire de Jihan

Comme des millions d'autres, Jihan, 34 ans, était prête à tout pour échapper à la guerre sévissant en Syrie et pour mettre sa famille en sécurité. Contrairement à la plupart, Jihan est aveugle.

Il y a neuf mois, elle a fui Damas avec Ashraf, son mari âgé de 35 ans, qui est également en train de perdre la vue. Avec leurs deux fils, ils se sont rendus en Turquie par la mer Méditerranée, à bord d'un bateau avec 40 autres personnes. Ils espéraient que le voyage ne durerait huit heures. Ils n'avaient aucune garantie d'arriver sains et saufs.

Après une périlleuse traversée qui aura duré 45 heures, la famille est enfin arrivée à Milos, une île grecque de la mer Egée, à des kilomètres de la destination qui était prévue. Sans aucun soutien ni aucune assistance, ils ont dû se débrouiller pour se rendre à Athènes.

La police les a détenus pendant quatre jours à leur arrivée. On leur a demandé de rester hors d'Athènes, ainsi que trois autres villes grecques, en les laissant à l'abandon.

Démunis et épuisés, la famille a été contrainte de se séparer. Ashraf est parti vers le nord en quête d'asile et Jihan s'est rendue à Lavrion avec ses deux enfants, une installation informelle à une heure de route de la capitale grecque.

Aujourd'hui, Jihan est impatiente de retrouver son mari qui, entre temps, a obtenu le statut de réfugié au Danemark. La chambre qu'elle partage avec ses deux fils, Ahmed, 5 ans, et Mohammad, 7 ans, est minuscule, et elle s'inquiète pour leur éducation. Sans greffe de la cornée, une chirurgie très complexe dont elle a besoin d'urgence, son oeil gauche se fermera à jamais.

« Nous sommes venus ici en quête d'une vie meilleure et pour trouver des personnes qui seraient plus à même de comprendre notre situation », explique-t-elle d'un air triste. « Je suis tellement en colère quand je vois qu'ils ne comprennent pas. »

L'histoire de Jihan